D'un air nonchalant, Aidan traînait des pieds à travers les couloirs du lycée. Non, il n'avait aucune envie d'assister aux cours en cette belle journée neigeuse. En effet, toute l'enceinte de l'école commençait à être recouverte d'une fine pellicule de blanc, ce qui la faisait étrangement ressembler à une de ces vieilles bâtisses d'un âge révolu, prises au piège dans un cliché en noir et blanc. Mais peu importait pour le jeune garçon, la beauté de la neige ne l'atteignait nullement. Non, ce qui le contentait se trouvait être fait en métal, accroché au mur et produisant une douce chaleur. Oui, il cherchait un radiateur.

Fuyant le froid, il avait atterri par hasard devant la salle d'entraînement magique. Après un intense moment de réflexion, son regard blasé s'alluma. Pourquoi ne pas faire un peu d'exercice pour se réchauffer ? Et tant qu'à faire, pourquoi ne pas essayer de nouvelles techniques ? Non pas qu'il eut du mal à maîtriser son pouvoir, loin de là, mais il était enthousiasmé à l'idée de faire de nouvelles découvertes quant à son utilisation. Avec autant d'entrain que lui permettait son corps gelé, il poussa la porte de la salle et pénétra à l'intérieur.

Un vacarme terrible vint ébranler ses tympans. De puissantes rafales lui giflèrent les joues si fort qu'il dut fermer les yeux quelques instants. Lorsque le Fou les ouvrit de nouveau, il découvrit l'absurde de la scène : une véritable tempête dans quelques mètres carrés ! Un coup d'oeil sur la machine qui vrombissait dans le fond de la pièce lui laissa imaginer le scénario : elle était encore déglinguée... En repoussant quelques mèches de cheveux qui lui gênaient la vue, il décida de chercher le responsable de ce bazar.

«Héééhooo ?...» cria-t-il d'une voix un peu ridicule.

Sa voix fut, à n'en pas douter, couverte par le vacarme incessant des éclairs et des rafales. Luttant contre le vent artificiel, Aidan s'enfonça dans la salle dans l'optique de mettre cette satanée machine hors service, une bonne fois pour toute. Et dire que c'était lui qu'on accusait sans cesse de vouloir détruire Crescent !... Mais l'équipement du lycée y parviendrait avant lui ! Soudain, une odeur familière parvint à ses narines. C'était...

«Du gaz narcotique ? Sérieusement ?»

Le jeune homme remonta son écharpe blanche afin de couvrir son nez et sa bouche et continua d'avancer, évitant les divers projectiles qui lui étaient destinés -ou non. Plus il avançait et plus la visibilité était mauvaise à cause de toute la fumée qui se dégageait de l'engin désormais incontrôlable. Il espérait qu'elle allait griller toute seule, comme une grande, sans plus essayer de le tuer que ça. Sur cette pensée, il trébucha sur une chaussure qui traînait sur le sol et tomba lourdement en avant. Ah... L'avantage de rester au sol, c'était qu'il évitait d'inhaler trop de fumée. Il décida donc de poursuivre sa drôle d'ascension à quatre pattes.

Tout à coup, un cri retentit. Nullement affolé mais se dépêchant autant que possible, l'irlandais sentit un drôle de liquide familier sous sa main. La portant à son visage, il découvrit qu'il s'agissait là de sang. Là, il était tant qu'il réagisse ou quelqu'un allait se faire lapider sous ses yeux -ou presque, étant donné qu'il n'y voyait pas grand chose. Dans un ultime effort, il se traîna comme une larve, évitant les divers pièges de la machine, roulant tantôt sur le côté, s'aplatissant comme une crêpe ou sautillant comme une puce. Non, il n'était définitivement pas très classe dans une telle posture...

«Hey ! Qui que tu sois, réponds !» fit-il d'une voix puissante et rauque.

Seul un faible gémissement lui répondit, mais c'était mieux que rien. Le Fou finit enfin par tomber sur une silhouette familière : une fille aux formes généreuses était étendue sur le sol... Akane ? En s'accroupissant près d'elle, il remarqua qu'elle était blessée à la jambe, d'où le sang qu'il avait trouvé. Recroquevillée, elle semblait vidée de ses forces. Il prit sa main afin de sentir son pouls puis la reposa doucement au sol.

«Ne bouge surtout pas. Je vais régler son compte à cette machine tueuse et je reviens te chercher.» lui murmura-t-il en se penchant au-dessus d'elle.

Se relevant avec bien plus d'allure que précédemment, Aidan se tint tout près de la machine défectueuse. Il la fixa avec un air de défi et elle lui répondit par un cliquetis inquiétant. L'air était lourd -peut-être à cause du gaz- et une roue glissait le long de la salle, emportée par le vent. Tel un cowboy, il porta ses mains à ses hanches mais n'ayant nulle arme à dégainer, il s'élança sur son adversaire métallique. Il lui suffit de deux bonds pour passer derrière elle.

En posant la main sur le capot, le lycéen se brûla. Comment allait-il la mettre K.O, au juste ? Et bien la seule solution qu'il trouva instinctivement fut la plus violente : à coup de pied. Les premiers furent infructueux mais plus il frappait et plus la machine se fissurait, si bien qu'au bout d'une dizaine de coup elle rendit définitivement l'âme dans un vacarme atroce. Elle s'écroula comme une petite tour sur le sol, tandis que de petites étincelles sautillaient en-dehors de sa carapace de métal.

«And the winner is... Aidan !» s'exclama-t-il fièrement, les poings sur les hanches et le torse bombé.

Revenant à nos moutons, enfin à ses moutons, le vainqueur se précipita vers sa belle et passa une main derrière sa tête pour la relever. Les jambes toujours recroquevillées, il avisa de la porter comme une princesse et décida finalement de tenter de la sortir de sa torpeur. Tapotant délicatement sa joue, il répéta son nom à voix basse jusqu'à ce qu'un de ses yeux s'ouvre lentement.

«Akane ?»