Il était huit heures moins vingt à sa montre et Aidan déambulait entre les roses d'un pas lent, levant à peine les pieds. Voilà deux heures qu'il était réveillé et il errait ainsi à travers tout l'établissement sans croiser âme qui vive. Le jeune homme venait de passer une nuit agitée et sans sommeil ; sans doute à cause de cette maudite chaleur et du «tic tac» agaçant de son réveil. Tiens, il allait devoir s'en procurer un nouveau, d'ailleurs. Ces objets se brisent trop rapidement.

Un gobelet de café dans une main et une tartine beurrée -qui tenait plus du sandwich de par sa taille que de la véritable tartine-, l'irlandais entreprit de chercher un endroit calme dans le jardin extérieur pour s'installer et déguster son petit déjeuner. Le soleil n'était levé que depuis une bonne heure mais la chaleur commençait déjà à envahir le lycée. Sa mission, et il l'acceptait, était maintenant de trouver un coin calme et frais.

Sans grande conviction, Aidan se dirigea donc vers la roseraie. Le parfum qui en émanait lui rappela celui des femmes, en bien moins irritant : il détestait par-dessus tout le mélange des odeurs que lui infligeait souvent les lycéennes. Son café presque vide et sa tartine déjà croquée, il avançait entre les fleurs avec la même langueur de précédemment lorsqu'une odeur différente lui parvint. Une odeur qu'il reconnaîtrait entre toutes : une cigarette !

Non, le jeune homme n'était pas un fumeur. Du moins, il avait arrêté en entrant à Crescent -ce qui pourrait expliquer sa mauvaise humeur les premiers mois qui suivirent son arrivée- mais il ne crachait pas une cigarette de temps en temps... Néanmoins, l'idée de s'en griller une de si bonne heure et juste après son petit déjeuner lui retourna l'estomac. Qui pouvait donc être si accroc ?

La réponse l'étonna -dans la mesure du possible- : une gamine. Assise dans l'herbe, elle tirait de petites bouffées en laissant vagabonder son regard sur les enivrantes fleurs qui l'entouraient. Posté derrière un des nombreux rosiers, Aidan l'observait avec attention. Sa longue chevelure blonde contrastait avec son petit gabarit, sans pour autant lui donner un air plus doux. Sans doute était-ce à cause de ses yeux : d'un rouge sang, ils rappelaient ceux d'un démon.

Mais le plus étrange pour le fou fut son accoutrement : vêtue d'un tablier, elle avait laissé traîner à côté d'elle une paire de ciseaux qui ne s'utilisaient que pour tailler les rosiers. Une jardinière ? Elle devait sans doute avoir fini son travail, vue l'heure. Avalant une dernière gorgée de son café et terminant sa tartine, le garçon s'approcha de l'inconnue qui, allongée, avait fini par s'endormir.

Sans un bruit, Aidan s'empara de la paire de ciseaux abandonnée. Du bout de l'index, il les fit tourner ; était-ce bien sûr, d'ailleurs ? Sûrement pas. Penché sur la blondinette, il aurait très bien pu faire tomber l'arme sur elle et lui crever un œil, lui couper une oreille ou bien lui trancher la carotide. L'idée lui parût assez distrayante mais il ne tenait pas à se salir de si bon matin, surtout qu'il avait fait l'effort d'enfiler une belle chemise blanche à rayures grises.

«Si j'étais toi, je ne dormirais pas là, tu sais ?» lança-t-il d'une voix assez puissante pour la réveiller.

Un large sourire narquois sur les lèvres, l'irlandais tenait toujours la paire de ciseaux au-dessus du visage de l'adolescente. Il s'attendait à une réaction qu'il aimait par-dessus tout : la peur. Bien que l'idée de terroriser une gamine ne l'enchantait guère puisque ça ne flattait pas son égo, il était d'humeur à embêter quelqu'un, en cette belle matinée.

[HS : C'est plutôt moi que tu vas devoir excuser de ce poste trop court T-T]

Loin d'être perturbée, la jeune fille repoussa la paire de ciseaux d'une main. Intéressante réaction, d'après Aidan. Peut-être l'avait-elle reconnu ? Mais même si c'était le cas, elle aurait dû être un peu plus affolée que ça. Ne le craignait-elle pas ? Visiblement, non, à en juger par le regard flamboyant qu'elle lui lançait.

D'ailleurs, il ne put réprimer un petit ricanement en voyant son air sauvage. De nouveau sur ses deux pieds, la blondinette était encore plus petite qu'il ne le pensait. Pourtant, elle lui faisait face sans trembler, arrangeant ses vêtements froissés comme si de rien n'était. Décidément... Cette petite avait du cran. Ou bien elle avait totalement perdu la raison. Peut-être les deux ?

Lorsqu'elle tendit une main dans la direction d'Aidan, celui-ci ne broncha pas. Il avait bien évidemment deviné qu'elle souhaitait récupérer ses ciseaux et non pas lui serrer la main. De toute façon, il ne lui aurait pas serré la main... Il préférait l'embrasser, plutôt. La main, bien sûr... Quoique.

Silencieux et intrigué par les pupilles sanglantes de la lycéenne, le jeune homme ne bougeait plus. On aurait même pu croire qu'il avait cessé de respirer. Elle continuait de planter ses yeux dans les siens, comme un défi qu'elle lui lancerait. Lui ne souriait plus. Il y avait quelque chose de détestable chez elle mais il ne parvenait pas à mettre le doigt dessus. Alors il attendait, tout simplement.

*Cette fille... On dirait...*

Sa réflexion s'interrompit avec la réponse de l'inconnue. Éventrer les roses ? Drôle d'expression pour une jardinière... N'était-elle pas censée aimer les fleurs ? Étrangement, il ne pensait pas que ce soit une plaisanterie. Elle semblait perdue dans ses rêveries, tout comme lui précédemment. A présent, il la fixait d'un regard dur.

Il crut déceler un frisson chez elle. Qu'était-ce ? Un frisson d'horreur ? Ou bien de plaisir ? Il opta pour la seconde option, ne sachant à quoi elle pouvait bien penser. Soudainement, la blondinette sembla retourner à la réalité et arracha la paire de ciseaux des mains d'Aidan. Celui-ci ne réagit toujours pas, se laissant faire.

Une fois son outil de jardinage récupéré, elle le fixa ainsi que l'irlandais, tour à tour. Quoi ? Pensait-elle le poignarder, ici, de si bonne heure et avec des ciseaux ? L'idée arracha un sourire malveillant au jeune homme. Finalement, elle n'en fit rien et lui tourna le dos après lui avoir lancé une sorte d'avertissement qu'il n'entendit même pas.

*Décidément, c'est une drôle de fille. Me tourner le dos ? Est-elle vraiment courageuse ou simplement inconsciente ?* se demanda-t-il.

L'air de rien, elle retourna à son travail. Aidan fut surpris de sa tentative d'engager la conversation. Était-ce bien son but ou cherchait-elle autre chose ? Un nouveau sourire, cette fois-ci un peu plus hypocrite, se dessina sur les lèvres du Fou. Il avança nonchalamment vers l'inconnue pour finalement se diriger vers un des nombreux rosiers les entourant.

«C'est bien ça. Mais serais-je célèbre ?» ricana-t-il d'une voix assez légère.

Soudain, il saisit une rose dans la paume de sa main. Il sentit la sensation des épines pénétrant sa chair... Des épines oubliées par les jardiniers ? Il avait regardé tout autour de lui et toutes les fleurs étaient dénuées de leur habituelle protection. Une faute de goût, selon lui. La plus belle rose était la plus épineuse, selon lui.

Les pétales se broyèrent entre ses doigts et son sang perla sur l'affreuse bouillie. Il lui trouvait un certain charme. Mais surtout, cela lui avait permis d'évacuer un peu le stress accumulé pendant la nuit. Lorsqu'il ouvrit son poing, la fleur écrasée était devenue une belle rose noire tachées de traces rouges. Bien sûr, ce n'était qu'une illusion créée par le Fou. Cette rose n'existait que dans son imaginaire.

Il s'approcha alors un peu plus de la blondinette. Lorsqu'il fut tout près d'elle, dans son dos, son ombre la couvrait comme une aura maléfique. Bien sûr, il redoutait le moment où elle se retournerait pour lui planter ses ciseaux dans le torse mais l'idée l'amusait toujours autant que précédemment. Alors il glissa son bras sous les siens, encerclant avec une facilité déconcertante sa taille et lui tendit l'illusion qu'il avait créée.

«Et si on lui donnait ton nom, miss ?» lui souffla-t-il dans l'oreille.

La blondinette pointait désormais ses ciseaux en direction de la gorge d'Aidan. Celui-ci souriait légèrement, les yeux rieurs. Il retenait d'ailleurs un fou rire qu'il crut tout d'abord irrépressible : elle devait se tenir sur la pointe des pieds pour l'atteindre ! Cela rendait la situation bien moins effrayante, pour lui tout du moins, si bien qu'il pouvait se permettre cette attitude moqueuse.

Elle lui cria un peu dessus. Il n'y était pas vraiment habitué, à vrai dire, mais il ne s'attendait pas à une autre réaction de sa part. Non, vraiment, il n'était pas déçu. Cette fille était bien plus amusante que la moyenne ; un bon moyen de tuer le temps pour lui. L'irlandais laissa glisser ses bras le long de son corps, tout doucement, pour éviter de se faire saigner comme un porc. Ce serait dommage, de si bon matin, non ? Cette chemise, il y tenait vraiment !

Cependant, son sourire crispé -pour retenir son rire- se figea sur ses lèvres lorsque le regard enflammé de son agresseur saisit à nouveau le sien, d'un vert bien plus calme. Elle devait sûrement porter des lentilles de couleur... Mais comment faisait-elle pour avoir un tel regard ? De tels yeux ? Il lui plaisait de penser que ce n'était pas ce rouge qui lui faisait tant d'effet, mais ce qu'il cachait derrière ces ardentes pupilles.

Le contact du métal froid sur sa peau provoqua un frisson chez le jeune homme. Pourquoi n'enfonçait-elle pas la lame dans son cou tout de suite ? Qu'attendait-elle ? N'était-ce qu'une simple menace, semblable à celle d'une mère grondant son fils d'un inutile «Arrête ou je vais me fâcher !» ? Cela le décevait en quelque sorte. Mais il n'allait pas vraiment se plaindre, du moment qu'il pouvait profiter de ce délai pour trouver une échappatoire.

*Encore une illusion ? Ou je pourrais tout simplement le lui arracher des mains... Mais vu son caractère, elle va vouloir se battre, je le sens bien. Mieux vaut esquiver, donc.* se dit-il calmement.

Ashleight -le nom de la sauvage lycéenne- tenait fermement les ciseaux. Il était donc inutile d'essayer de les lui arracher : elle aurait vite fait de les lui planter définitivement dans la carotide et Aidan avait d'autres projets que celui de mourir à huit heures du matin. Non, son plan consistait justement à s'enfoncer la lame lui-même... Enfin, pas tout à fait.

Sans une once de peur sur son visage, le Fou s'empara des petites mains -des mains de fille ! Elle était donc humaine !- et les força à pousser la paire de ciseaux contre sa peau. Sans une grande difficulté, elle y pénétra et quelques goutes de sang perlèrent à l'extrémité de la blessure. Ces perles rougeâtres furent bientôt suivies par un véritable filet de ce liquide chaud et doux qui coula le long du cou du pauvre jeune homme à la grimace imposée par la douleur.

Il pensait que sous l'effet de la surprise, Ashleight -ou Kitty, peu importe pour lui- devrait relâcher son emprise sur son outil de jardinage. Mais peut-être n'était-elle pas choquée par la vue du sang, après tout... Il lâcha donc les mains de la jeune fille et fit un bond en arrière, puis tel un félin s'étirant après une bonne sieste, il remit son col de chemise ensanglanté. A cause de cette petite manœuvre, toute sa gorge était tranchée : elle avait gardé son arme en main.Tout sourire, couvert de sang et sa rose noire aussi ensanglantée que lui en main, il improvisa une révérence en direction de la blondinette.

«Et bien, enchanté de faire ta connaissance, Ashleight.» lui lança-t-il d'une voix enjouée.

D'un claquement de doigts, tout le sang disparut, ne laissa place qu'à une vilaine griffure gouttant à peine au creux de son cou. Bien sûr, il n'avait pu créer l'illusion qu'une fois la lame assez enfoncée dans son cou, mais c'était toujours mieux que de subir une hémorragie juste avant le début des cours, après tout ! La fleur qu'il détenait retrouva elle aussi son état d'origine : les pétales broyées tombèrent pitoyablement sur le sol. Le Fou se redressa alors et adressa un dernier sourire à son interlocutrice.

«J'espère que nous aurons l'occasion de nous revoir bientôt, mon chaton !»

Sur ces mots, il mima un baiser qu'il lui envoya en soufflant dans la paume de sa main puis tourna les talons avec entrain. Sa satisfaction était affichée sur tout son visage. Ah, que cette journée débutait bien ! Il s'en était plutôt bien sorti : seulement quelques égratignures à la main et au cou, ce n'était pas cher payé pour s'amuser avec pareille demoiselle. Cependant, cela ne lui avait absolument pas servi de leçon, au contraire.

Décidant de vaquer à des occupations plus saignes -comme par exemple aller désinfecter ses blessures avant d'attraper une cochonnerie-, Aidan se demanda où il avait bien pu laisser son gobelet de café. L'aurait-il abandonné dans un rosier ? Et dire qu'il ne s'en était pas rendu compte... Bon, il irait le chercher plus tard. Étrange pour un fauteur de troubles de vouloir ramasser ses déchets, n'est-ce pas ? Pas tellement, en fait. Il n'aimait pas l'idée de voir la beauté des fleurs gâchées par un gobelet oublié.

Il parcourut du regard la roseraie, à la recherche du détritus : en vain. Il n'y avait pas beaucoup de vent mais avait-il tout de même roulé ? Sans plus se préoccuper de la demoiselle dans son dos, il avançait à grandes enjambées sur l'herbe incroyablement verte. Non pas qu'il ne songeait pas à l'idée qu'elle puisse l'attaquer mais il ne la craignait tout simplement. Et visiblement, elle ne le craignait pas non plus... Cela promettait d'être intéressant, pensa-t-il en sifflant tranquillement.

Aidan sentit quelque chose éclabousser son dos. Il ne comprenait pas. Cessant immédiatement de siffler, il plia son bras et passa le dos de sa main le long de sa colonne vertébrale. Ce liquide brunâtre, c'était... Du café ? Du café froid, oui. Son café ? Probable. Restait à savoir pourquoi et comment le reste de son gobelet perdu s'était retrouvé sur sa chemise préférée. Et surtout, qui avait osé infliger ça à sa chemise ?

Une voix bien familière retentit derrière lui. La voix du chaton. Comment avait-elle fait pour se retrouver aussi rapidement près de lui ? Enfin, comment n'avait-il pas pu entendre ses pas, que dis-je, ses grandes enjambées, nécessaires pour l'atteindre ? L'incompréhension le gagna quelques instants jusqu'à ce que le jeune homme se rappelle de la particularité de Crescent. Les pouvoirs.

*Tch, cette fille peut se téléporter hein...* pensa-t-il avec amertume.

Les excuses de la demoiselle ne semblaient en aucun cas sincères. Certes, il avait sans doute mérité d'être puni pour avoir laissé traîner ses déchets ici mais... Il ne pouvait pas tolérer cet affront. Surtout de la part de cette petite ! On ne s'en prenait pas aussi impunément au Fou. Et encore moins à sa chemise préférée. Telle une furie qui vient de se casser un ongle, Aidan se tourna vers la criminelle, plaquant son regard noir sur elle. L'amusement s'était mué en colère.

«Toi... Tu as du cran...»

Grommelant ces quelques mots, l'irlandais serra ses poings le long de son corps. Il tentait de résister à l'irrépressible envie de lui sauter à la gorge, de l'étrangler, de la secouer dans tous les sens, de se servir de sa tête comme d'un ballon de foot... Non. Il ne devait pas commettre un meurtre aussi tôt dans la journée. Surtout contre quelqu'un comme ça, aussi coupable d'assassinat de chemise fut-elle.

Néanmoins, son attitude ne faisait qu'ajouter à son irritation. La jeune fille se tenait là, les bras croisés, à attendre plutôt que de s'enfuir en courant. D'autres auraient pris leurs jambes à leur cou depuis longtemps mais pas elle. Était-elle suicidaire ou ne craignait-elle vraiment rien ? Certes, son pouvoir était assez surprenant mais ce n'était sûrement pas assez pour venir à bout d'un grand gaillard comme Aidan.

Tel un immense félin, il s'approcha lentement de son interlocutrice. Elle ne bougeait toujours pas. Qu'attendait-elle, au juste ? Elle ricanait et semblait fière de son méfait. Soit, il lui ferait payer. Arrivé à sa hauteur, le fou posa un regard condescendant sur l'adolescente. Toujours avec la même lenteur chargée d'envie de meurtre, le jeune homme défit les boutons de sa chemise un par un et la laissa glisser jusqu'au sol.

Désormais torse nu, il fixait toujours Ashleight. De la même fascination, avec la même flamme de rage dans ses yeux émeraude. Sa main glissa le long de son corps, remontant jusqu'au visage de la jeune fille. Frôlant sa joue, la caressant avec une sorte de plaisir malsain, il se saisit de son menton et le releva brutalement tandis que son autre main fit le tour de sa fine taille pour l'emprisonner. Grâce à la surprise, il la tenait entre ses bras.

«Que vais-je faire de toi, chaton ?... Dois-je te manger toute crue ou te pardonner ?»

A genou, plié de douleur, c'était la position dans laquelle s'était retrouvé Aidan contre son gré. Et oui, on a beau être un grand gaillard bien bâti, lorsqu'on reste un homme il est impossible de lutter contre des forces qui nous dépassent. Surtout celles en rapport avec un pied -ou un genou- et les parties génitales masculines. Bref, le fou était en bien mauvaise posture, sans compter que c'était sa proie elle-même la cause de tout ceci.

Il sentit une main se glisser dans sa chevelure argentée et l'empoigner sauvagement pour repousser sa tête en arrière. Dans une autre situation, cela aurait pu être fort excitant... Fort heureusement, on ne pouvait pas le voir grimacer de douleur puisque son visage était déjà tout ce qu'il y avait de contracté. Une vilaine ride lui barrait le front tandis qu'il luttait tant bien que mal pour retenir les larmes qui perlaient à ses yeux. Malgré la douleur, les mots qu'Ashleight susurra dans l'oreille de l'irlandais ne firent que provoquer un étrange rictus chez lui.

Décidément, cette fille était quelque chose. Elle osait lui tenir tête et le faisait d'une manière splendide. En le maltraitant de la sorte, l'adolescente venait de gagner son respect. Non pas que ce fut très profitable pour elle, ni même pour lui, mais il voyait du potentiel dans cette sauvageonne indomptable. Peut-être pourrait-elle utiliser ses coups fatals pour une meilleure cause que celle de rendre Aidan stérile...

«Ah, ce n'est pas en torturant les garçons que tu trouveras un petit-ami, tu sais...» ricana-t-il avec son éternelle arrogance.

Le jeune homme parvint à se défaire de l'emprise d'Ashleight en tirant, tout simplement, comme la brute qu'il était. Une poignée de cheveux argentés était sans doute restée dans le poing serré de la diablesse, mais soit, les cheveux repoussaient toujours... Enfin il espérait. Finir chauve et stérile aussi jeune, quel destin cruel, pensa-t-il avec un regard légèrement blasé. A peu près remis de ses émotions, il se releva comme si de rien était et se tourna vers son interlocutrice.

«C'est donc vrai, il ne faut jamais sous-estimer une femme... Enfin, une fille dans ton cas...» siffla-t-il.

Son égo était toujours blessé par l'humiliation mais il prenait l'accident comme une sorte de blague dont il était victime. Nonchalamment, le fou se pencha pour ramasser sa chemise désormais froissé -non mais, elle l'avait piétiné, en plus de ça ? La garce !- et la roula en boule avant de la caler entre son bras et son ventre. Il n'avait vraiment pas envie de se battre avec cette furie. Mais la diplomatie ne le mènerait sûrement à rien non plus... Ne voyant aucune issue possible, il tourna tout simplement les talons avec la plus complète indifférence.

«Si tu veux bien m'excuser, j'ai des choses plus importantes à faire. Appelle-moi si tu te sens seule, mon chaton...»

Ces derniers mots prononcés avec ironie non dissimulée et une pointe d'insolence charmeuse, l'irlandais jeta un coup d'œil derrière lui et continua d'avancer, changeant d'itinéraire. Avant d'aller en cours, il devrait se changer... Ou peut-être pourrait-il entrer dans la salle de cours torse nu ? Ah, quoiqu'il en soit, il s'était assez fait remarquer pour l'instant, il se cantonna donc à son premier choix. Au diable, cette gamine. Au diable ?...