[HJ - Désolée de ce post merdique... xD et ce TITRE merdique, aussi... ne t'aime pareil? <3]

Le soleil, plombant, brûlant, éclatant. Et la chaleur, presque insupportable. Suffocante; sincèrement, s’en était presque à se demander ce qu’il pouvait bien faire, ici, à l’extérieur, avec une température pareille, et ce malgré le peu d‘ombre, infime, presque inexistante, que l‘arbre contre lequel il était assit pouvait difficilement lui fournir. Lui-même se posait presque la question, alors qu’il fixait d'un air absent les silhouettes qui s’agitaient devant lui. Courraient, plus précisément, dans un ordre qu’il aurait put qualifier d’approximatif, désordonné, chaotique; selon ses connaissances plus que médiocres de la chose, il faut quand même l‘avouer. Ridicule, et inutile. Il n’irait certainement pas s’énerver sur un stupide terrain de sport - Russell aurait beau essayer de lui expliquer en long et en large l’attrait de la chose, il savait qu’il n’aurait cesse de ne rien y comprendre, de trouver les fondements même de cette idée plus qu’obscure; c‘est qu’il ne pouvait s’empêcher de penser que ça ne servait vraiment à rien. Fronçant les sourcils, agacé, il chercha du regard celui qu’il était venu attendre - il le regrettait bien, d’ailleurs, en ce moment -, finissant enfin par réussir à l’apercevoir parmi tous les autres.

Il allait forcément lui en devoir une, après ça. Parce que c’était chiant, vraiment. Et qu’il avait chaud, et qu’il en avait marre, et qu’il s’emmerdait. Sérieusement. C’était bien beau, de venir le voir courir pour son club ridicule - et encore, ce n’était qu’un simple entraînement -, mais il avait bien d’autres occasions de le regarder, après tout. Et puis, il ne voyait pas grand chose, loin comme il était, alors, côté intérêt, il pouvait repasser.

-Non, je te jure... grommela-t-il à mi-voix. C’est la dernière fois...

Après tout, ce n’était pas réellement comme si Russell avait véritablement besoin de lui, ici et maintenant; il aurait beau arguer le contraire, il doutait vraiment de la pertinence que pouvait bien avoir sa présence, alors qu’il restait ici, assit sans rien faire. Attendant. Immobile. Comme s’il n’avait rien de mieux à faire, comme si, de toute façon, on ne perdait pas assez de notre temps, sans cesse, pour toute sorte de raisons tout aussi stupides les unes que les autres. Peut-être devrait-il simplement tenter de voir la chose comme une constante de la vie, qui n’a, finalement, pas vraiment de but. Parce qu‘il se doutait bien que ce ne serait pas la dernière fois qu‘il allait faire demander une chose du genre. *Ouais, c’est ça...* bougonna-t-il mentalement. Il avait beau essayer de se convaincre, cela ne rendait pas son attente plus supportable. Loin de là.

Attente... Son expression, pratiquement vide le temps d’un court instant, se mua bientôt en quelque chose ressemblant presque à de la perplexité. Presque. Se passant lentement une main dans les cheveux, son regard errant un moment devant lui, fixant sans vraiment sembler le voir se qu’il y avait autour, dans son espace immédiat, il fronça les sourcils. Encore une fois. Qu’attendait-il, déjà, en fait? Et surtout, ici, dehors en dessous d’un arbre. Secouant la tête, il tenta de se concentrer un moment. Il n’était pas venu pour rien, il en était certain... Il pourrait toujours demander à Russell, tient, quand il le verrait. Enfin, s’il arrivait à le trouver, surtout...

Baissant la tête, ses cheveux semblant couvrir encore plus qu’à l’habitude son visage pâle, si cela était même chose possible, il posa son unique oeil sur un brin d’herbe, au sol. Un brin d’herbe plus long que les autres. Sans savoir pourquoi, il sentit quelque chose ressemblant, étrangement, à une vague d‘agacement monter en lui, ayant soudainement envie de l’arracher, arracher ce stupide brin d’herbe trop long. Tendant lentement la main, il s’en saisit, avant de l’enlever durement de terre. *Saleté* se dit-il, un rien hargneusement, presque distraitement, le faisant tourner entre ses doigts. Il ferait mieux d’utiliser son temps à quelque chose d’autre; comme pour remettre ce devoir qu’il avait à faire... Ou l’avait-il déjà fait? Un devoir d’anglais, non? À moins que ça n’ait été celui d’histoire-géographie... Ou les deux, peut-être... Et il était pour quand, d’ailleurs? Peu importe... Il devait bien l’avoir écrit quelque part... Du moins il l’espérait. Où avait-il laissé son agenda, la dernière fois...?

Levant les yeux vers le ciel, il manqua d’être aveuglé par les quelques rayons de soleil qui traversaient le feuillage des arbres. Il faisait vraiment ‘trop’ beau, tellement que, sans savoir pourquoi, cela le mettait encore plus de mauvaise humeur. Comme si le ciel se moquait de lui. Et tout semblaient bien trop lumineux, autour de lui, tellement qu‘il en avait presque mal aux yeux. Et il avait étrangement envie de chocolat, tout d‘un coup. Est-ce qu’il en avait? Est-ce qu’il en avait simplement pensé d’en emmener avec lui? Posant l’une de ses mains sur la poche de son pantalon, il cessa tout aussitôt de bouger. Soudainement.

Clignant des yeux, semblant presque revenir à la réalité, comme si, étrangement, il n’y avait plus été présent le temps de quelques minutes, le temps d’un instant, comme ailleurs. Mais où pouvait bien être Russell? N’était-il là bas, il y a une seconde? Ou pas... Depuis combien de temps était-il là? Avait-il disparut pendant qu’il ne regardait pas, ou était-ce simplement que, justement, cela faisait trop longtemps qu’il avait arrêté de porter attention à l’autre?

-Mais où est-ce qu’il est lui, encore... laissa tomber Isaak dans ce qui ressemblait étrangement à un mélange de soupir et de grognement exaspéré.

Parce que ça ne se faisait pas, de s’en aller de la sorte; il espérait bien qu’il ne l’avait pas laissé en plan, alors qu’il était resté là, en pleine canicule, à l’attendre lui. Puis semblant soudainement remarquer le brin d’herbe qu’il tenait à la main, il haussa un sourcil interrogateur; quand avait-il...? Oh qu’importe... Laissant tomber sa tête contre le tronc de l’arbre, fermant son oeil unique, il s’appliqua consciencieusement à réduire en charpie le malheureux brin d’herbe vert, imaginant un moment qu’il s’agissait de Russell qu’il mettait en pièce. Et tout d’un coup, il lui en voulut un peu moins. Et il avait envie de sucre. Vraiment.

Il sentait son cœur battre à un rythme régulier alors que ses jambes le portaient loin devant, le faisait se perdre dans une douce rêverie où son esprit lui faisait oublier l’endroit où il se trouvait. Il n’y avait plus de champs, il n’y avait plus d’école, plus de famille, plus de monde ni de problème, et définitivement pas de pouvoir. Son esprit errait dans l’illusion de cette liberté nouvelle, celle qui est apportée seulement lorsque la terre ne semble plus assez solide pour supporter le poids de vos pieds qui vous poussent plus loin, toujours plus loin. Depuis combien de temps courrait-il? Il ne le savait pas, et l’entraînement le rendait plus endurant –comme tout entraînement digne de ce nom devrait le faire.

Il ne voyait plus; ses yeux ne faisaient pas le focus sur les choses, un peu paresseusement peut-être, alors qu’il voyait des tâches de couleur passer sur ses côtés, le ciel s’étendant au-dessus de lui et la terre sous ses pieds. Dans ces moments, il devenait plus égoïste et possessif que dans tout autre moment; de voir quelqu’un passer devant lui, c’était de réaliser où il était, ce qu’il faisait –et cela revenait à briser le charme. Alors il les détestait, ces gens qui courraient à ses côtés, eux, innocentes victimes de leur passion commune qui ne demandent rien, qui pensent peut-être de la même manière que lui. Alors il se contente de continuer son chemin sans y faire attention, ne changeant de direction qu’au dernier moment tant il est lunatique.

Un doux sourire, un peu niais peut-être, envahis son visage. Pour une fois, il n’était pas venu à l’entraînement seul. Enfin, il n’était jamais vraiment seul, considérant le fait qu’il y avait d’autres personnes dans le club. Ne nous égarons pas –il était venu accompagné, et pas de n’importe qui : sa majesté Isaak en personne. Il avait accepté de perdre un peu de sa vie et de son temps si précieux juste pour lui –alors qu’il détestait attendre- et cela lui faisait chaud au cœur.

Il ralentit un peu sa course, jetant un coup d’œil dans la direction de l’arbre, plus grand que les autres, qui tentait tant bien que mal de protéger l’adolescent des ravages du soleil et de la température. Il lui fit un signe de main, qui ne lui fut pas rendu –il n’avait pas du le voir, à cette distance. Ou peut-être que le soleil lui tapait dans l’œil et qu’il ne pouvait pas regarder vers lui –ce qui serait dommage, quand même. Ou peut-être même qu’il était fâché? Tout ça parce qu’il devait attendre sans rien faire; ce ne serait pas étonnant, mais ça faisait partit de son charme un peu grognon. Il avait l’impression que parfois, il lui tombait vraiment, vraiment sur les nerfs –et la seconde d’après, on lui réclamait un câlin. Est-ce que c’était parce que l’autre jouait la comédie? Probablement pas, mais comme on dit, qui vivra verra.

Il continua sa course, sentant avec un certain agacement le tissus de son chandail se coller désagréablement dans son dos, dans le genre je-colle-mais-je-colle-pas qui vous irrite la peau. Et le soleil aussi; il vous aveugle la moitié du temps –attention les accidents- et l’autre moitié, il vous brûle la nuque. Qui allait se ramasser un coup de soleil en pleine tronche? Faut dire, il aurait du la mettre, sa crème solaire, mais non; il avait espéré que l’œuvre de la nature fasse effet. Enfin oui quoi –pourquoi est-ce que des siècles d’évolutions génétique n’ont pas été capable d’offrir à tous les humains une peau capable de supporter les rayons mortels du soleil? Surtout que l’Angleterre était au nord de l’équateur et pas en plein dessus, alors il n’y avait pas de raison qu’il ne puisse pas être convenablement protégé contre les assauts du soleil.

Un truc le percuta au détour d’un virage –et par truc, il entendait l’élève en charge du club : enfin, de ceux qui faisaient la course, au moins. Celui-ci se retourna pour le regarder d’en haut en haussant les épaules, l’air d’avoir depuis longtemps abandonné avec son cas; tant mieux pour lui. Il se releva, réalisant que les autres étaient déjà prêts à rentrer ou faire leurs autres entraînements –pour ceux qui n’étaient pas déjà partis. Le temps passe vite, après tout; lui qui aurait voulu prendre une pause en plein milieu pour parler un peu avec Isaak. Il ramassa son sac et se lança sur ses réserves d’eau, déjà devenues plus que décemment tièdes, et salua les autres avant de partir dans la direction de l’arbre –oui oui, l’arbre. C’est l’élément important ici : l’arbre. Pas celui qui était en dessous, l’air complètement inoffensif et serein, comme l’invitant à lui jouer un mauvais tour.

Il faillit s’étouffer, marchant et buvant en même temps –sérieusement les enfants, ne faites pas ça hein-, mais du remercier sa bonne étoile pour lui avoir épargné cette humiliation –et lui avoir permis de se rendre jusqu’à… l’autre. Il n’osait l’appeler autrement. Isaak? Oui. Mais encore? Pas un ami. Copain - bien-aimé – tous des mots qui lui donnaient des sueurs froides. Pas qu’il ait peur de s’engager, au contraire, mais il avait l’impression que si … l’autre… pouvait percevoir ses pensées, il le tuerait pour l’avoir nommé de la sorte. Et ne parlons même pas de ‘choupinet’ et ‘hamster-en-susucre’.

Il déposa son sac à la limite du début de l’ombre et s’approcha donc d’Isaak-le-sans-surnom et se pencha vers lui, fronçant des sourcils alors qu’il voyait des tâches vertes entre ses doigts –il était tombé dans l’herbe, peut-être? Son sourire niais –celui d’un adolescent épris, où l’on ne contrôle plus vraiment ses muscles faciaux et qui cause, dans les pires cas, des coulisses de bave- revint à la charge, alors qu’il entreprit la lourde tâche de ne pas se faire repérer. Les baisers ninja, ça a une valeur ajoutée –et tant pis s’il y laissait une ou deux dents. Il recula rapidement, comme si ses lèvres le brûlaient. Ce qui devait d’ailleurs être véritablement le cas.

- Bonne sieste Is… aak, hésita-t-il en se disant qu’il n’y avait vraiment aucun moyen de rendre son nom plus original, il fait un peu chaud ici, il vaudrait mieux que tu ne t’endormes pas, tu pourrais attraper un coup de chaleur. Faut vraiment être fou pour s’entraîner avec ce soleil, tu ne trouves pas?

Il hésita, se relevant pour lui tendre la main. Il ne voyait pas d’endroit plus accueillant que sous l’arbre, et il n’avait pas envie de rentrer dans l’établissement avant que le soleil ne soit couché.

-Ça te dirais de faire un pic-nique? On pourrait se faire des sandwich à l’intérieur, et je sais pas…

Ouais. Il y a des choses, parfois, qu’il vaut mieux laisser à l’interprétation.

Il ne savait pas depuis combien de temps il était là, assit, immobile, les yeux fermés, sous cet arbre; plusieurs secondes, plusieurs minutes? Une heure, peut-être? Non, vraiment, il aurait bien été en peine de le dire bien malgré lui. Le temps lui paraissait, en cet instant, terriblement court comme terriblement long; il en avait assez d’attendre, et le fait qu’il était bien incapable de dire depuis combien de temps il était là ne l’aidait en rien à supporter la chose. Non, vraiment, il devrait tout simplement s'en aller, et puis qu’importe s’il lui en voulait, c’était de sa faute, après tout; il n’avait tout simplement qu’à ne pas lui demander une chose pareille.

Et il faisait vraiment chaud; étrangement, il avait l’impression que c’était là une pensée qui, en ce moment, lui revenait relativement souvent en tête. Quelle idée, aussi, de sortir habillé tout en noir avec une température pareille; n’avait-il pas prit la peine de regarder à l’extérieur avant de s’habiller, ce matin? Il lui semblait pourtant que si... À moins que ce ne fut hier... Était-ce hier? Il faisait moins chaud, la veille, de ce qu’il se souvenait... Oui, hier ou en début de semaine... Non, peut-être n’avait-il pas prit le temps d’observer la température, plus tôt, finalement... Mais enfin... Il en aurait bien enlevé une couche, mais il n’avait pas particulièrement envie de devenir couleur écrevisse; c’est ce qui arrive lorsqu’on a un teint aussi foncé qu’un lavabo... Soupirant légèrement, silencieusement, il finit par se dire que, finalement, il ferait peut-être mieux de vraiment rentrer; on lui avait souvent, trop souvent même, répété que le soleil était bon pour la santé, mais il doutait que ce fut aussi le cas avec trop de soleil; si la chose était possible, du moins.

C’est d’ailleurs ce qu’il s’apprêtait à faire lorsqu’il sentit quelque chose ressemblant à un vague courant d’air, presque imperceptible, un mouvement, non loin de lui. *Mais qu‘est-ce que...* se dit-t-il, avant d’être brutalement interrompu dans ses pensées par une pression sur ses lèvres, qui ne dura qu’un court moment. Bougeant légèrement la main, prêt à frapper la personne qui avait osée l’approcher de la sorte, il ouvrit son oeil, restant presque aveuglé par le soleil, brillant, bien trop brillant, le temps d’un instant. Levant la tête, il posa son regard sur la personne en face de lui, qu’il n’eut aucun mal à reconnaître malgré l’effet de contre jour qu'il ne manquait pas de produire.

Haussant un sourcil, il le regarda un moment d’un air dubitatif -non mais, c‘était quoi ce sourire idiot?-, sentant bien malgré lui son agacement disparaître lentement, remplacé par autre chose, quelque chose qu’il ne parvenait pas parfaitement à définir, mais qui n’était présent que lorsque l’autre était avec lui. Il en oublia presque pourquoi il était fâché, quelques secondes plus tôt, écoutant d’une oreille plus que distraite ce que Russell était en train de lui dire, ne remarquant qu’à peine qu’il était en train de lui parler.

-Bonne sieste Is… aak...

*Mais je ne dormais même pas!* s’insurgea-t-il mentalement, sans raison véritable, ne remarquant même pas l‘hésitation dans la voix de l‘autre adolescent. Non, mais, à son âge, il ne faisait pas ça, des siestes en plein après-midi; pour qui il le prenait? Pourtant, il avait comme la vague impression que s’il tentait de démentir -avec raison, tout de même- son affirmation, il ne recevrait comme réponse que quelque chose ressemblant à une accusation de mauvaise foi. Croisant les bras, l’air un rien boudeur, le fixant d’un regard presque absent, il finit néanmoins par revenir à la réalité au bout de quelques secondes.

-...attraper un coup de chaleur. Faut vraiment être fou...

-De quoi? grommela-t-il en le fusillant du regard. C’est de ta faute, tu sauras, si je suis obligé de t’attendre en plein soleil, alors tu ferais mieux de faire attention à ce que tu dis, hein... Aucune reconnaissance, vraiment... ajouta Isaak, marmonnant d’un ton tout juste audible.

Mais c’est que Russell avait parfois le don de l’énerver... *Tsk, la prochaine fois, il se passera bien de ma présence, lui...* Bon, ce n’était pas vraiment son genre de dire des choses pareilles, mais après tout... Qu’il le reprenne à le traiter de fou parce qu’il avait prit la peine de venir l’accompagner à son stupide entraînement inutile. Et puis tant pis s’il attrapait un coup de chaleur; ce n’est pas comme s’il allait en mourir, après tout; du moins, il l’espérait...

-...faire des sandwiches...

-Quoi? Non, j’ai pas emmené de sandwichs... fit-il en penchant la tête sur le côté, ses sourcils froncés, cessant d‘écouter le reste de la phrase. Je devais...?

Attend, il le lui avait demandé, ou pas? Parce qu’il n’arrivait vraiment pas à s’en souvenir... Peut-être l’avait-il dit plus tôt, en même temps qu’il lui avait demandé de venir l’attendre... Ou avant... Ou plus tard, peut-être... Mais le fait est que, si c’était le cas, il avait complètement oublié. Laissant échapper une légère grimasse, il espéra que Russell n’allait pas lui en vouloir; pas pour si peu, pas vrai...? Secouant la tête, il avisa la main que ce dernier lui tendait; depuis quand c’était-il levé, d’ailleurs? Il n’était pas debout, tout à l’heure... Oh, qu’importe... Et d’ailleurs, que faisait-il dehors, lui aussi? Mais après tout... Ce n’était pas grave, tant qu’il était là...

Se redressant légèrement, il leva le bras, se saisissant de la main de Russell, s’aidant de cette dernière afin de se lever à son tour. Chancelant légèrement -c’est ce qui arrive quand on reste assit trop longtemps-, il se rattrapa au chandail de Russell, s’y agrippant sans vraiment le vouloir, posant son front contre son torse; il n’y pouvait rien s’il était vraiment plus petit, quand même... Passant ses bras autour du corps de l’autre, il ferma les yeux à nouveau; fronçant les sourcils, il se demanda un instant quelle était la raison pour laquelle il lui en voulait, tout à l’heure. Mais après tout, s’il ne s’en souvenait pas, c’est que ça ne devait pas être important; et il avait envie de lui faire un câlin, là tout de suite, alors il y penserait une autre fois, c’est tout. Il aurait tout le temps de lui en vouloir, plus tard...

-Tu sens mauvais... grommela-t-il d’une voix étouffée. Tu devrais te laver... Tu ne l’as pas fait ce matin?

Reculant finalement d’un pas, il leva les yeux vers lui, croisant les bras sur sa poitrine, le dévisageant un instant. Il ne pouvait s’empêcher de lui trouver un air un rien... Essoufflé? Non, ce n’était pas vraiment le mot qu’il cherchait, mais peu importe... Pantelant? Un peu comme s’il avait passé la nuit sur la corde à linge; mais il ne s’agissait là que de sa propre perception, très probablement plus qu’un rien exagérée, après tout...

-J’ai faim... fit-il finalement, semblant oublier toutes remarques sur les sandwichs. Tu as quelque chose à manger?

Quelle heure était-il, de toute façon? Il faudrait bien qu’ils mangent, éventuellement, de toute manière, alors pourquoi pas tout de suite...

Sa douce moitié ayant l’air passablement irritée de sa présence, Russell ne pu s’empêcher de froncer les sourcils, essayant de se rappeler ce qu’il avait bien pu faire pour attirer sa colère –et il alla même jusqu’à énumérer mentalement les choses qu’il n’avait pas fait. L’autre s’attendait-il à ce qu’il vienne le voir durant une pause? Ou peut-être était-il partit avec le seul sac contenant de l’eau, l’obligeant à subir la migraine tenace qui accompagnait souvent la déshydratation. Quoique dans un cas comme dans l’autre, il se doutait bien qu’Isaak n’aurait pas été du genre à s’en formaliser, et encore moins à se rappeler quel genre de responsabilité il tenait dans la situation. Quelle mouche l’avait donc piqué?

- C’est de ta faute, tu sauras, si je suis obligé de t’attendre en plein soleil, alors tu ferais mieux de faire attention à ce que tu dis, hein... Aucune reconnaissance, vraiment...

- Tu as raison, fit-il, contrits. Mais – mais quand tu m’as proposé de venir ce matin, ça m’a fait trop plaisir, tu sais! J’en ai même oublié que l’entraînement durait aussi longtemps –mais je te suis très reconnaissant, hein!

Il s’arrêta un moment, espérant qu’il n’en faisait pas trop quand même –chose qu’on lui reprochait assez souvent- alors qu’il disait à voix haute le fond de sa pensée.

- Tu n’as pas de coup de soleil? s’enquit-il, soulevant son menton en évitant tout mouvement brusque –histoire de pas se faire mordre.
Une chance que tu as attendu à l’ombre, hein! continua-t-il, se souvenant qu’il n’avait lui-même pas mis de crème solaire ce matin. Dit, j’ai pas le nez tout rouge?

Il se frotta vigoureusement le nez du revers de l’index, comme malgré lui; ce qui eu évidemment pour effet de faire ressortir une certaine rougeur sur la peau, qui ne resta pas marquée bien longtemps; il avait la peau cramée par le soleil, mais pas de coup de soleil. On dit que le soleil, c’est bon pour la santé; il avait probablement fait le plein de vitamine C pour les quatre prochains mois! Mais Isaak, lui, n’était pas du genre à bronzer, et il se doutait bien que s’il souffrait de brûlures légères sur la peau, c’était lui qui allait en baver. Erm! Isaak allait bien plus en souffrir, évidement.

Mais du côté des blessures psychologiques, là, ça allait être lui le gagnant, parce qu’il risquait de s’en vouloir à mort. Et dire que c’était dans ses moments que son pouvoir pourrait être utile –ne serait=ce que pour revenir en arrière et glisser la crème solaire dans son sac; mais non. Il était maintenant en sueur et beaucoup trop fatigué pour pouvoir penser à ce genre de chose.
Il sourit en voyant la perplexité du petit noir, qui n’avait pas bien suivit tout ce qu’il avait dit. *Ça doit être le soleil qui lui tape un peu sur la tête* se dit Russell en laissant glisser ses doigts dans les mèches folles qui se dressaient dans tous les sens, sentait malgré lui le fil du bandeau sur sa peau avec un certain recul.

-Non, tu n’avais pas à amener des sandwichs, fit-il en se demandant si Isaak pouvait avoir une ligne de bronzage de bandeau, je proposais juste qu’on aille en chercher à la cafétéria, mais si tu préfères, on peu juste rester ici un peu et rien faire; ça me semble être une perspective assez charmante…

Lorsqu’il avait finit sa phrase, la petite bouille un peu endormit de son copain lui était arrivée en plein dans le plexus solaire, coupant court à ses divagation. Il sourit tout de même gauchement devant les manières abruptes de l’autre, conquit par ses manières peu raffinées –mais tellement plus vraies, à son sens. Oui, le repas attendrait bien un peu; là maintenant, il avait trouvé quelque chose de bien, bien mieux à faire. Il laissa un soupir s’échapper d’entre ses lèvres pour mourir dans le murmure du vent, sentant Isaak se renfrogner alors que ce dernier se levait.

*Je… je sens mauvais?* fit Russell en voyant son compagnon s’éloigner de lui de quelques pas, *Tant que ça? Pourtant, il fait tellement chaud, j’aurais cru que le soleil aurait fait s’évaporer toute sueur avant même qu’elle ne pense à être sécrétée…*

-Je vais régler ça vite fait, concéda-t-il en lui offrant une mine désolée, Donne-moi une minute et des poussières.

Il chercha un moment dans son sac à dos pour en sortir une petite serviette, aux couleurs indéfinissables tant elle était usée, et une de ses bouteilles d’eau. Il hésita un moment avant d’en sortir une deuxième, tendant la plus froide à Isaak d’une main molle, presque distraire. Il entreprit ensuite de faire passer son chandail par-dessus sa tête, ne pouvant s’empêcher de reculer alors que ce dernier restant coincé au bout de ses bras; il devait avoir l’air intelligent.

-Je me suis lavé ce matin, grommela-t-il en se battant contre le chandail, mais j’ai fait de l’activité physique depuis. Tu sais, on diras ce que l’on voudras, courir c’est un art. Le seul truc qui me chagrine, c’est de ne pas avoir fait de la course depuis plus jeune; maintenant, je me trouve trop vieux pour faire la compétition avec qui que ce soit. Les gens dans le club de sport sont tous plus qualifiés que moi…

Il jeta son chandail au fond de son sac, sachant pertinemment qu’il n'aurait plus envie de le mettre avant de rentrer dans l’établissement –et au fond de lui, il espérait pouvoir rester ainsi un moment avant de devoir le remettre. Et puis, qui irait jusqu’à protester s'il ne portait pas son chandail par une telle température?

Lui.

Il se ravisa donc dans un soupir, s’assurant qu’il avait bien amené un second chandail dans son sac- ce qu’il avait évidemment fait. Ou allait faire, pour autant qu’il en sache. Ces histoires de retour dans le temps lui en faisaient un peu perdre la notion, parfois. Ou alors, est-ce que c’était parce qu’il se tenait trop souvent avec Isaak, qui lui-même ne semblait pas comprendre la différence entre une minute et une heure?

Il laissa ses pensées vagabonder un moment encore, avant de se souvenir pourquoi il avait mis une bouteille à ses pieds. Il l’ouvrit en se redressant –et oui mesdames, il est capable de faire deux choses en même temps- pour ensuite en vider le contenu sur sa tête, un certain sursaut se faisant entendre malgré lui –l’eau était bien, bien plus froide que sa peau. Il s’ébroua pour faire s’écouler le liquide de ses cheveux, sentant le vent venir assécher son corps trop vite à son goût –au moins, le souffle du vent avait comme avantage de la rafraichir encore plus.

- Je devrais être un peu moins sale, grimaça-t-il en sachant pertinemment que cela ne convaincrait pas Issak de revenir vers lui. Enfin, le vent devrait faire son œuvre…

Comme de fait; si l’eau et le vent n’auraient pas comme effet de le rendre moins crasseux, cela aurait au moins l’avantage, si Isaak se tenait dans le sens du vent, de ne pas lui amener le doux effluve d’une odeur corporelle mâle. Sans rire- il ne sentait pas si mauvais que ca, hein. C’était Isaak qui avait le nez fin.

-J’ai faim... Tu as quelque chose à manger?

- Oui, non, enfin… fit-il en se souvenant vaguement d’une orange et de deux barres tendres, je n’ai pas assez à manger pour nous deux, mais en attendant qu’on arrive à la cafétéria, je peux toujours te donner un truc.

Et préférablement un truc avec de l’eau, parce que toute cette histoire de déshydratation semblait affecter sa bonne humeur. Aussi se dépêcha-t-il de mettre son sac sur ses épaules nues et d’inviter Isaak à le suivre, suivant la ligne irrégulière de l’ombre des arbres pour éviter le plus gros de la chaleur de l’été. Il entreprit, en marchant, d’éplucher une orange, ce qui n’eu comme résultat que de le faire s’envoyer du liquide dans les yeux, à son plus grand énervement. Il tendait une première tranche au petit noir, se demandant un moment comment il pouvait bien manger ses quarts d’orange.

Le mettrait-il tout rond dans sa bouche, ou préférerait-il en prendre de petites bouchées qui se détachaient selon la distribution des pulpes? Ou faisait-il partit de ceux qui n’enlevaient qu’un tout petit bout pour ensuite en extraire le jus? Il surprit ses yeux suivant folâtrement la courbe douce des lèvres minces, étroites. Et il sentit l’envie égoïste de ne pas vouloir partager ces lèvres avec l’orange –mais elle pouvait lui offrir quelque chose que lui ne pouvait pas, aussi se tu-t-il, tendant une seconde tranche à son cadet.

-Alors, tes cours? S’enquit-il, sachant pertinemment qu’il n’était venu le voir s’entraîner que pour avoir une excuse afin de ne pas étudier l'informatique. Si tu veux, je pourrai t’aider avec certains cours ce soir…

*Même s’il y a un million de choses que je préférerais faire ce soir, mais… hey! Pas de pensées impures, jeune homme. C’est mauvais pour l’estomac.*

Il se sermonnait lui-même, maintenant. Le fait de sermonner n’était pas un exercice nouveau pour lui –c’était plutôt le fait qu’il ait besoin de se sermonner qui le troublait. Avait-il eu trop chaud en courant, ou est-ce que le soleil lui avait tapé trop fort sur la tête, lui aussi? Il tendit une troisième tranche d’orange à Isaak –il éprouvait quelques difficultés avec la partie d’épluchage, ce qui ralentissait de beaucoup sa productivité- avant de glisser un de ses bras derrière son dos, laissant sa main se déposer sur sa taille. Il était petit, Isaak, mais n’agissait jamais comme si cela l'handicapait; sa force de caractère en était même décuplée.

- Je trouve qu’on est très bien ici… fit Russell en ralentissant le pas, Tu es certain de vouloir rentrer manger tout de suite?

Il faisait beau, après tout, et il aurait bien aimé s’asseoir à l’ombre d’un vieil arbre, yeux rivés vers le ciel pour tenté de déterminer quelles formes avaient les nuages. Et s’il avait un Isaak qui reposait tranquillement sur sa poitrine, il n’allait pas rouspéter, loin de là. Son idée d’activité perverse se limitait souvent à celles d’un vieil homme assis sur son perron (quoique ceux qui ont l’air le plus inoffensifs soient souvent les pires), aussi n’avons-nous rien à craindre. Même si des fois, il…

Vaut mieux ne pas en parler –il y a certainement de jeunes gens dans cette école qui peuvent lire les pensées et qui seraient choqués de ce qui suivrait.

- Alors, qu’est-ce que tu en dis, on s’arrête un petit moment? fit-il en laissant son pouce suivre la courbe de l’os de la hanche de l’autre, sans vraiment y porter attention. Et puis moi, je suis crevé après toute cette course.

Mentir, c’est mal; il aurait bien fait encore un ou deux tours de champs –mais il valait mieux pour lui de garder ses forces, juste au cas. On ne sait jamais sur quoi on peut tomber, ici.

- Oh! D’ailleurs, après dîner, tu voudras te baigner un peu? Il y a un petit cours d’eau pas très loin, et des copains du club ont dit qu’il n’y avait rien de tel après l’entraînement.

Ce qu’il ne savait pas, c’était qu’on le taquinait; l’eau était particulièrement froide. Ce qu’on ne sait pas ne peux pas nous faire de mal, comme on dit.

Écoutant d’une oreille plus que distraite ce que l’autre lui disait, son regard posé sur lui, il finit néanmoins par s’en désintéressé, ses yeux errants dans le vide autour de lui, observant tout et rien à la fois, détaillant du regard des choses qu’il ne remarquait même pas. Il avait l’impression que les paroles de Russell lui parvenait de loin, un peu comme si quelque chose étouffait, distordait les sons avant que ces derniers ne puissent parvenir à ses oreilles; ça ne valait pas la peine qu’il essaie d’en saisir le sens. Non, ça demandait bien trop d’effort, et il savait, quelque part au fond de lui, que ce n’était certainement pas l’autre qui allait s’en formaliser. Il lui arrivait, parfois, de penser que Russell en profitait pour parler plus qu’il ne lui était nécessaire, mais n’ayant jamais eut l’envie de le vérifier, il ne faisait simplement que passer à autre chose. Que ce soit ou non le cas, ça ne changeait pas grand chose.

Se passant distraitement une main dans les cheveux, leur donnant l’air encore plus ébouriffés, mal coiffés qu’à l’habitude, il soupira, tant à cause de l’ennui que de la température ambiante. Non, il aurait bien voulut rentrer à l’intérieur, et n’aurait certes pas manqué de le faire savoir à Russell - une nouvelle fois, s’il l’avait fallut, puisqu’il n’arrivait pas à se souvenir s’il le lui avait ou non déjà dit -, mais voilà, quelque chose le retenait. Peut-être que, pour une fois, il pouvait bien laisser faire. Il était venu le voir à son entraînement, il pouvait bien rester ici avec lui aussi un peu plus longtemps; et puis, il avait envie de le voir, même s’il n’allait certainement pas le lui avouer; plutôt mourir.

-Mh? Marmonna-t-il finalement.

Posant ses yeux une nouvelle fois sur celui qui lui faisait face, il haussa un sourcil, un air un rien perdu se peignant sur son visage, le temps d’un instant. Le détaillant un court moment du regard, il pencha la tête sur le côté - il le faisait souvent, ces temps-ci -, interdit.

-Ton chandail... Fit Isaak, d’un ton presque interrogateur.

Il aurait pourtant pu jurer - autant qu’il le lui était possible, à tout le moins, qu’il en portait un, tout à l’heure. Enfin, ce n’était pas tant cela que le fait que, justement, s’il n’en avait pas eut, il s’en serait souvenu. Probablement... Ou pas? Enfin, mais s’il en avait bien un, pourquoi donc l’avait-il enlevé? Surtout comme ça, dehors, et devant plein d’inconnus de surcroît. Le dévisageant d’un air critique, presque accusateur, il secouant la tête d’un mouvement vague. *Non mais, aucune pudeur...* grommela-t-il intérieurement. Ce fut à se moment qu’il remarqua la bouteille d’eau que l’autre lui tendait; s’en saisissant par automatisme, il se mit à la tripoter sans vraiment s’en rendre compte, observant d’un regard fixe Russell ouvrir une seconde bouteille, avant de se la renverser sur la tête. *Mais qu’est-ce qu’il fou...* L’observant fixement, c’est tout juste s’il arriva à comprendre la fin de sa phrase:

-...en attendant qu’on arrive à la cafétéria, je peux toujours....

-De quoi, la cafétéria? Laissa-t-il échapper sur un ton peut-être un peu plus agacé qu’il ne l’aurait voulut.

Il n’avait jamais dit qu’il voulait y aller, de toute façon. Pourquoi y iraient-ils? Bon, c’est vrai que, maintenant qu’il y pensait, il ne pu que réaliser qu’il avait faim, mais après tout... Lui, il n’avait pas envie d’y aller; il y avait bien trop de monde, de toute façon. Et en plus, Russell n’était, après tout, pas suffisamment décemment habillé pour cela; des plans pour qu’ils deviennent le centre d’attention, avec tout ça...

Un mouvement, au coin de son champ de vision, le sortit de ses pensées; Russell s’en allait, il ne savait où, avec, semblait-il, l’intention que lui-même le suive. Grommellent légèrement - il n’avait pas envie de marcher, là maintenant tout de suite -, il lui emboîta néanmoins le pas. Au moins, il pouvait toujours se dire qu’ils étaient à l’ombre, et que le soleil n’allait pas lui taper sur la tête. Soupirant encore une fois - il avait l’impression qu’il ne faisait que ça, aujourd’hui -, il se rapprocha de Russell sans vraiment s’en rendre compte, fixant d’un air absent les morceaux d’oranges que ce dernier lui donnait, les mangeant sans se poser de question.

-Alors, tes cours? Entendit-il son ami dire. Si tu veux, je pourrai t’aider avec certains cours ce soir…

-Mh mh... Marmonna-t-il simplement en guise de réponse.

Même si, quelque part, le fait qu’il l’aide l’énervait un peu - sans doute ce qui lui restait d’orgueil en ce qui concernait ce sujet -, il ne pouvait malgré tout qu’apprécier, ne serait-ce qu’un minimum, la proposition. Parce que ça lui faisait autant plaisir que ça l’agaçait; mais après tout, Russell acceptait de perdre un peu de son temps pour, au final, pas grand chose, il fallait bien se l’avouer. Mais enfin, ça allait lui permettre de passer un moment avec lui - pas que ce fut quelque chose de rare, mais après tout...

Sursautant presque lorsqu’il sentit un bras se poser sur lui, il jeta un regard en coin au fautif, hésitant entre laisser tomber une réplique bien sentit et se laisser faire. Semblant un instant peser le pour et le contre, son regard se perdit une nouvelle fois au loin, alors qu’il finit tout simplement par oublier la question qu’il était en train de se poser. Baissant légèrement les yeux, fixant sans sembler la voir la bouteille qu’il tenait toujours et qu’il n’avait pourtant pas encore ouverte, c’est tout juste qu’il prit la peine d’essayer de se concentrer sur ce que l’autre adolescent lui disait, oubliant les quelques mots qu’il saisissait au fur et à mesure qu’il les entendait.


-...te baigner un peu?

La fin de sa phrase finit néanmoins par se frayer un chemin dans son esprit, alors que ce dernier tentait de l’analyser du mieux qu’il pouvait. Baigner... Il voulait qu’ils aillent se baigner, là maintenant tout de suite? Fronçant les sourcils, il manqua presque de cesser d’avancer - ce qu’il aurait d’ailleurs fait si Russell ne le traînait pas à moitié sans vraiment le vouloir. Se baigner? ‘Non’ fut la première chose qu’il fut tenter de dire. Oui, c’est vrai, il faisait chaud, mais ce n’était certes pas, pour lui, du moins, une raison suffisante pour le faire. Ce n’était pas qu’il n’appréciait pas ça, non - c’était pire. Après tout, cela demandait un certain effort physique, et le plus souvent, l’eau était vraiment froide. Et puis, l’idée de se déshabiller - oh, pas au complet, quand même - devant d’autres ne l’enthousiasmait pas plus qu’il ne le fallait. Mais enfin... Rien dans tout cela n’impliquait nécessairement que lui aussi ait à se baigner, pas vrai?

-Si tu veux... Fit-il finalement d’un air désintéressé en haussant les épaules.

Il n’aurait qu’à attendre en dehors de l’eau, c’est tout. Et puis, au moins, il ne se ferait pas harceler par Russell si jamais il disait non - et pourquoi pas, il pourrait en profiter pour faire autre chose. Se détachant légèrement de l’autre adolescent, il le saisit par la main, semblant presque ne pas vraiment s’en rendre compte, le tirant légèrement vers l’avant, avant de jeter ou rapide coup d’oeil autour de lui, cherchant quelque chose pouvant s’apparenter, de près ou de loin, à un endroit pour se baigner, tout en réfléchissant à ce qu’il pourrait bien faire en attendant que l’autre en ait terminé. Il pourrait toujours commencer ses devoirs - ou pas. Probablement pas. Il ne les avait pas avec lui, de toute manière; ça réglait le problème. Et puis, il n’en avait pas envie; mais après tout, il n’en avait jamais envie. Ça prenait bien Russell pour le convaincre sans trop de difficulté de les faire... Mais c’est que c’était long, aussi. Et ennuyant, et il n’y comprenait souvent jamais rien - pas que ça change du reste, après tout, mais enfin... En fait, à vrai dire, il n’avait tout simplement rien à faire du tout.

Puis, cessant presque de marcher, le temps d’un instant, il jeta un coup d’oeil à Russell, clignant des yeux.

-On allait où, déjà?

-On allait où, déjà?

-Nul part mon chou, fit Russell en grimaçant.

C’était peine perdue avec lui, pas moyen que quelque chose lui reste en tête plus de quelques secondes. Parfois, ça lui rappelait pourquoi il ne l’aimait pas, au début. Il se contenta de se laisser tirer par le main un moment, trouvant agréable qu’Isaak montre un intérêt pour la chose, avant de l’attirer dans une autre direction, se rendant compte qu’il allait dans la direction opposée à leur destination. Ils pressèrent un peu le pas –du moins, Russell le fit, ce qui résultat inévitablement en une accélération de la respiration d’Isaak. Ce pas olympique avait au moins eu un effet positif; ils étaient arrivés plus rapidement. Espérons que cela soit suffisant pour qu’Isaak ne soit pas de mauvaise humeur pour les prochaines deux minutes –il allait bien trouver une autre raison pour ses caprices passé ce délais, de toute manière.

Il lâcha prise un instant, s’attaquant à sa propre ceinture avant de lancer un ‘Enlève tes vêtements –personne peut voir d’ici de toute manière.’ Il prit toutefois la peine de plier ses bermudas et les plaça à l’ombre d’un arbre, tout de même un peu ennuyé par le fait qu’il se promenait en caleçon –et il avait choisit ce jour pour mettre celui avec les canards. Félicitations. Il ne prit pas le peine de regarder derrière lui avant d’entrer à l’eau, la trouvant étonnement bonne –lire ici qu’elle faisait dans les vingt quelques degrés tout juste. C’est d’ailleurs miraculeux qu’il ne se soit pas évanoui; il avait vraiment chaud. Comme quoi il a une bonne étoile qui le surveille, quelque part là-haut. Même si elle avait un drôle d’humour. Qu’est-ce qu’il faisait dans cet endroit barj, déjà?

Il fit quelques traversées de la petite étendue d’eau –comme une marre entre deux ruisseaux- avant de se tourner vers Isaak, lui envoyant de l’eau sans même prendre la peine de vérifier s’il portait encore ses vêtements ou non.

-Alors, tu viens? lui lança-t-il avec son plus beau sourire, nageant jusqu’au point où il sentait son ventre frotter dans le fond de l’eau. Il grimaça en sentant le tissus de ses sous-vêtements lui coller à la peau, tirant un peu sur l’élastique pour apaiser son inconfort. Ce qu’il devait avoir l’air chic, quand même… Il roula sur le dos, fermant les yeux alors qu’il sentait ses cheveux se gorger d’eau et le sable lui coller à la peau. Ce qu’il détestait le sable!

-Viens là, ordonna doucement Russell en tendant les bras vers le ciel, s’adressant à Isaak sans le regarder.

Il avait envie de l’étreindre, là, maintenant; oh, mais il voulait toujours l’étreindre, en fait, alors ça ne comptait pas vraiment. Il voulait sentir le soleil dans ses cheveux, le sel sur sa peau, l’eau glisser entre ses jambes –il aurait voulu être le soleil, le sel, l’eau. Et il se donnait mal au cœur, parfois, à être aussi… trop sentimental pour rien, quoi. Ce devait être le soleil qui lui tapait dans le visage. Et partout ailleurs. Il allait finir cet été plus bronzé que jamais. Il faut dire, aussi, qu’avant il ne se promenait pas à moitié nu dans les forêts, et qu’il était du genre à se baigner avec un chandail –petit complexe d’adolescent et tout. Il leva une de ses jambes, sentant l’eau s’écouler sur sa peau –et s’évaporer. Le soleil était intense comme jamais. Est-ce que cela était habituel dans cette région de l’Angleterre? Heureusement qu’ils avaient un écran formé par la cime des arbres, qui s’élançaient vers le ciel et prenait tout l’espace disponible à leur expansion.

-Mon câlin, il s’en vient? implora Russell, prêt à se relever et assaillir Isaak s’il ne l’obtenait pas dans les prochains instants. -SI je n’ai pas ma dose d’amour tout de suite, je crois que je vais mourir de carence…

Les bras croisés, se tenant à quelques dizaines de centimètres de l’eau, Isaak fixait Russell du regard; ce n’était pas parce que lui, ça ne lui dérangeait pas de se déshabiller ainsi, à la vue de tous - il ne croyait pas encore que personne ne pouvait réellement les voir - que c’était le cas de tout le monde. Et puis, malgré ce qu’il disait, il ne pouvait s’empêcher de trouver que l’eau avait l’air particulièrement froide, malgré le soleil qui aurait du la réchauffer. Enfin, froide selon ses critères personnels; quoi qu’il pouvait difficilement savoir tant qu’il n’y entrerait pas, ce qu’il, justement, n’avait pas vraiment l’intention de faire. Pourquoi était-il ici, déjà? Il était certain que s’il avait su ce que Russell avait l’intention de faire, il ne se serait jamais laissé entraîné jusqu’ici... quoique, peut-être... Il n’aurait pas été particulièrement étonné si cela avait été le cas.

Isaak fut bien vite coupé dans ses pensées alors qu’un jet d’eau froide lui était lancé en pleine tête. Manquant de s’étouffer sous le choc, un frisson lui parcourant la colonne vertébrale, il secoua la tête afin d’essayer de se débarrasser de l’eau qu’il avait dans les cheveux, jetant un regard noir à Russell, ses vêtements mouillés lui collant à la peau.

-Non mais, espèce d’idiot... Grommela l’adolescent dans sa langue natale. Tu aurais pu prévenir, au moins... Ajouta-t-il d’un ton accusateur.

- ...viens? entendit-il dire Russell.

-Mh mh...

Se mordillant un instant la lèvre inférieure, Isaak l’observa, un air indécis peint sur le visage. Il aurait de loin préférer faire autre chose que se baigner dans cette eau froide, et sans doute pas particulièrement propre, mais il avait aussi envie d’être avec lui.*Oh, et puis pourquoi pas...* soupira mentalement l’adolescent. Après tout, une fois n’est pas coutume, et il savait que son ami l’aurait fait pour lui s’il le lui avait demandé. S’exécutant - de mauvaise grâce, mais après tout, c’est l’intention qui compte -, il retira rapidement sa chemise et son pantalon, les laissant tomber sur le sol en une pile de tissu sombre, fripé, ne s‘inquiétant pas outre mesure du fait qu‘il risquait de trouver du sable dans ses vêtements plus tard. Un rien mal à l’aise, il grimaça en sentant le soleil plombant sur sa peau pâle, le brûlant désagréablement; il allait étrangler Russell s’il attrapait un coup de soleil, ce qui, il en était sûr, allait fort probablement arriver.

Jetant un regard circulaire autour de lui, cherchant Russell des yeux - depuis quand était-il dans l’eau? Et est-ce que c’était des canards qu’il voyait sur ses sous-vêtements? -, il soupira. Et en plus, il avait envie de manger. Quelque chose de sucré peut-être... Ou alors, une orange; il ne savait pas pourquoi, mais il avait un goût d’orange dans la bouche. Plus tard, peut-être... Quand ils allaient rentrer; quelle heure était-il, de toute manière? Passant une main distraite dans ses cheveux sombres, il retint un marmonnement mécontent en sentant le tissu humide de son cache-oeil; c’est que c’était franchement désagréable. Mais en même temps, il préférait encore le garder; avec de la chance, il allait sécher assez rapidement... Et il ne pouvait s’empêcher de se demander où il pourrait bien trouver une orange; il demanderait à Russell plus tard, si jamais il y pensait.

-...pas ma dose d’amour tout de suite, je crois que je vais mourir de carence...

-Drama Queen... Marmonna Isaak, alors qu’une petite voix dans sa tête lui murmurait qu’il devrait commencer par se regarder avant de dire ce genre de choses.

Entrant dans l’eau, il frissonna une nouvelle fois; pas étonnant qu’il porte toujours autant de vêtements s’il avait froid pour si peu. S’approchant de l’autre, il finit par le rejoindre, se laissant tomber sur lui en veillant tout de même à ne pas lui faire mal; il avait beau ne pas peser particulièrement lourd, on ne savait jamais. Passant ses bras autour des épaules de l’autre adolescent, essayant de se placer un peu plus confortablement, il finit enfin par cesser de bouger, à moitié dans l’eau.


-Mh... J’ai froid... Murmura Isaak dans le cou de son petit ami, alors qu’il sentait le sable lui coller sur la peau.

C’était une sensation un rien étrange; la chaleur du soleil, le froid de l’eau, le bruit, léger, presque imperceptible du coeur de Russell qui battait à ses oreilles. Ouvrant les yeux à moitié, histoire d’essayer d’éviter de s’endormir, refusant de bouger, il tripota distraitement l’une des mèches de cheveux pâles de son ami.

-Tu es sûr que personne ne va venir ici? Fit-il à mi-voix, prenant sans s’en rendre compte de sa main libre celle de Russell, entremêlant ses doigts au siens, avant de refermer les yeux.

Non, sincèrement, pour peu, il allait vraiment finir par s’endormir ici, couché sur lui.

L’insulte, prononcée dans une langue qu’il ne connaissait pas, résonna un instant dans sa tête, le faisant tiquer malgré le fait qu’il n’avait aucune idée de ce dont il était question. Une moue s’était dessinée sur ses lèvres avant de disparaitre alors qu’Isaak continuait ses jérémiades comme à l’habitude. Tant qu’il se plaignait encore, c’était bon signe. Le jour où il arrêterait, Russell ne saurait plus comment réagir. Pas qu’il l’eut déjà su avant –mais tout de même. Son cœur fit un bond dans sa poitrine alors qu’il entendait la faible confirmation de son copain, son sourire s’étalait bien jusqu’à ses oreilles. Il y a des jours comme ça, dans la vie, où l’on a l’impression d’être tellement heureux que, hey! –le monde pourrait bien imploser, il n’aurait même pas haussé un sourcil. Le bruissement des feuilles le fit retourner à sa rêverie, ses doigts lancés vers le ciel semblant essayer d’attraper les branches pour les secouer, histoire de faire tomber sur eux les feuilles comme des millions de petites étoiles. Des bruits indistincts lui parvinrent –à croire qu’à force de se tenir avec Isaak, ça devenait contagieux-, suivis de près par le clapotis des pieds d’Isaak dans l’eau. Il devait rêver, assurément; jamais Isaak aurait pu volontairement venir le rejoindre dans cette eau glaciale.

Il fut vite détrompé par le poids qui vint s’écraser contre sa poitrine, s’étouffant presque par surprise. Les bras frêles –et nus!- vinrent se poser derrière sa tête : il attendit un moment que le petit soit confortablement placé, avant de recommencer à respirer. Il entoura le corps de ses bras dans un geste qui se voulait protecteur mais qui, au final, ne donna probablement que l’impression d’avoir été exécuté dans un mouvement possessif. Il était à lui, rien qu’à lui –en ce moment du moins. Il le partagerait plus tard, peut-être, sans trop bouder; mais en ce moment, il pouvait le garder pour lui tout seul. Il ne put s’empêcher de relever sa jambe gauche, juste pour taquiner…, se dit-il, sentant se peau glisser entre celles de son copain. Oui oui, juste pour taquiner; il n’était pas non plus si peu empathique qu’il ne pouvait pas comprendre les inhibitions de l’autre, et lui-même ne pouvait s’empêcher de paranoïer un peu sur le sujet du ‘sommes-nous vraiment seuls?’.

-Mh... J’ai froid...

C’était mignon quand il faisait ce genre de bruit dans son oreille –peut-être un peu trop, d’ailleurs, mais sur ce sujet, il aurait fallu faire une thèse pour peser adéquatement le pour et le contre. Il frotta son dos, histoire que la friction le réchauffe; le tout en faisant bien attention de glisser ses doigts entre ses côtes, histoire de la faire se trémousser juste un peu sous le chatouillis. Il aimait bien le taquiner, en fait, et il ne savait jamais quand arrêter. Il grimaça en sentant le sable qui collait entre leurs deux corps, sachant pertinemment qu’ils allaient tous deux avoir la peau irritée s’ils continuaient ainsi. Il tenta de faire basculer Isaak sur le côté pour enlever les grains de sables, mais fût retenu par quelque chose qui absorba toutes ses capacités intellectuelles; des doigts qui jouaient dans ses cheveux.

-Un peu plus à gauche… marmonna-t-il alors que ses yeux se fermaient à demi, un soupir de contentement échappant d’entre ses dents.

Il entendit la question d’Isaak à travers un étrange brouillard, n’arrivant pas vraiment à faire de l’ordre dans ses idées. Il n’entendait vraiment que le bruit de son propre cœur qui battait un peu trop fort, beaucoup trop vite, et ne sentait plus que l’étrange picotement qui envahissait l’extrémité de ses doigts et de ses pieds. Il marmonna vaguement quelque chose à propos du fait qu’il n’avait pas compris ce que l’autre avait dit, bien que le résultat ne fût pas très cohérent, puisqu’il avait l’impression que sa langue avait épaissie dans sa bouche. Et lorsqu’il sentit la mais d’Isaak glisser dans la sienne, il comprit que son cœur venait de sauter quelques battements. Littéralement. Combien, il n’aurait pas pût le dire, mais le monde entier avait semblé vaciller autour d’eux. Horrifié, il repoussa faiblement Isaak alors que le monde s’embrouillait quelques peu dans ses couleurs et ses mouvements. Il entendit, comme au loin, un vague Plouf*, et lorsque sa vue lui permis de focaliser sur quelque chose, c’est un juron qui lui vint en premier à l’esprit.

Où est-ce qu’il venait d’atterrir, encore? Non –la question n’était pas où, parce qu’il n’avait pas bougé d’un poil. La question, la vrai question qu’il n’osait pas se poser, c’était à savoir quand il était atterrit. Il maugréa un moment avant de se lever, époussetant en grimaçant le sable qui collait à ses sous-vêtements. Il jeta en regard autour de lui. Si seulement ses vêtements étaient à vue, il aurait pu savoir qu’il était après le moment précédent. Sauf que le fait que ses vêtements soient absents ne prouvait rien. Il aurait tout aussi bien pu être avant qu’après –Isaak, dans sa colère, aurait très bien été capable d’emmener ses vêtements avec lui pour se venger. Mais il ne l’avait pas fait exprès! Mais bien entendu, ce n’était probablement pas le genre d’excuse que le petit brun voulait entendre. Il pria à un dieu inconnu –en se retenant de lui lancer des insultes- pour assurer qu’il n’y aurait pas trop de gens sur le chemin du retour vers sa chambre. Il n’aurait qu’à attendre d’être plus près de l’école pour ensuite se déplacer entre les murs, ni vu ni connu.

Ouais, il aurait bien fait ça, s’il avait su comment. Et Isaak allait lui faire la gueule… Ne restait qu’à espérer qu’il n’allait pas barrer leur porte de chambre.

*Probablement le bruit qu’Isaak fit en tombant face première dans l’eau.