Il était entré sans même se soucier de son environnement, trébuchant bien deux fois avant de vraiment parvenir à détailler son environnement. Dans la pénombre, il n’apercevait presque rien, et même son cardio d’athlète en herbe ne pouvait l’empêcher de respirer trop fort. Parce qu’ici, il n’y avait que l’écho de vos propres pas. Ou est-ce que ce sont vraiment les votre? Est-ce son cœur qu’il entend battre dans ses oreilles, ou celui de quelqu’un d’autre qui se serait faufiler jusqu’à lui? Non –si lui venait tout juste d’entrer dans la salle, il en allait de même pour les autres, assurément. Et s’il se souvenait bien de ses visites –trop peu nombreuses- du coin, cette salle n’était pas des plus petites. Il avait même l’impression qu’il aurait pu s’y perdre s’il n’y prenait pas garde. Valait mieux longer les murs, non? Et puis, ça lui fendait le cul de ne pas pouvoir utiliser son pouvoir. Pas qu’il pouvait habituellement l’utiliser avec beaucoup de précision, mais quand même. C’était son mauvais sens de l’humour : il aurait trouvé ça tout simplement délirant. Il n’osait tout simplement pas s’avouer que c’était quelque chose de réconfortant à toujours avoir à ses côtés. Et surtout –mais ça, il l’aurait avoué sans grande torture- il avait hâte d’être rentré dans sa chambre, avec son Isaak adoré. Il n’avait décidé de participer que parce que ce dernier s’était inscrit (en pensant bien entendu s’inscrire à une liste pour recevoir des petits gâteaux supplémentaires au repas. Lui n’aurait jamais cru que l’autre était assez idiot pour se faire prendre, mais…) et parce qu’il avait bien l’intention de le faire gagner. Ou, en tout cas, de limiter les dégâts. Seul problème : il n’avait aucune idée de son emplacement actuel. Étaient-ils tous dans la même pièce? Il était en état de choc trop grand lorsqu’on lui avait tout expliqué plus tôt.

En tout cas, un truc était certain : il n’était pas supposé gagner. Et c’était une simple confirmation du fait que sa bonne étoile était soi en sabbatique, soi morte dans une explosion de paillettes multicolores, parce deux fois en si peu de temps, c’était un vrai blague. Pour commencer, il se ramassait dans cette école pourrie. Et celle-ci, comme par hasard, faisait en sorte qu’il se ramassait avec... une godasse?

Oh, mais quand même : elle était propre, pour commencer, et c’était même sa pointure ! Avec de jolis lacets verts et rouges –c’était Noël quoi- et, mieux encore, des petites lumières de chaque côté de ses souliers lorsqu’il appuyait dessus. Parce que la réponse était oui : il avait bel et bien mis la chaussure qu’on lui avait donné au lieu de la sienne, qu’il laissait pendre à sa ceinture, tel le poids mort qu’elle était. Il aurait pu faire quoi? Même s’il n’y en avait qu’une, c’était l’intention qui comptait, et ce ne serait pas son genre de faire des chichis pour un cadeau. Peu importe de qui il venait : il allait l’honorer jusqu’à la fin. Et c’était plutôt pratique en fait : il pouvait tout voir de son côté droit. Avec intermittence et en lumières vertes et bleues, mais c’était mieux que rien. Et en plus –comble du bonheur!- ils étaient vraiment confortable. Parfait pour la course. Sauf que vu son environnement précaire, il préférait ne pas trop s’y mettre, en fait. Ça l’aurait peut-être calmé, qui sait? Il continua son cheminement, essayant de ne pas trop faire de bruit malgré le fait qu’il devait ressembler à un phare pour quiconque se trouvait de l’autre côté du rideau de l’obscurité. Tant pis. C’était un cadeau, il ne pouvait pas s’en débarrasser. Et en plus, il avait autre chose à penser : il avait bien comprit qu’il fallait atteindre le panneau des gens pour faire baisser leurs points, mais euh… avec quoi? Il n’allait quand même pas les frapper avec ses poings! Il devait se trouver une arme, et vite fait. Elles devaient bien être cachées quelque part de bien indiqué, comme dans n’importe quel jeu vidéo.

Son cœur fit un bond dans sa poitrine. Il avait aperçut quelque chose bouger devant lui, comme sans but précis. Avait-il rêvé? Ou s’agissait-il d’un autre élève qui, comme lui, était complètement perdu? Il s’accroupi légèrement –et oui, la batterie de ses souliers était assez sensible pour s’allumer juste avec cette faible pression- pour observer le nouveau venu pendant un instant. C’était qui? Il avait l’air petit. Et, comment dire, désorienté? Mais peut-être que c’était simplement son esprit nerveux qui l’empêchait de regarder quelqu’un sans trembler. Il aperçut Des cheveux courts, noirs de jais. Sauf que ça ne voulait rien dire, ici : tout, ou presque, était noir. Et il lui avait semblé apercevoir, malgré l’obscurité, une étincelle bleue dans les yeux qui s’étaient tournée un instant dans sa direction. Et puis, cette ombre qui semblait cacher un des deux yeux… n’était-ce qu’un simple effet de l’ombre de cheveux en désordre, ou bien le bout de tissus qui lui était maintenant devenu si familier? Il resta un moment en suspens, ne sachant que faire. Et si… Après tout, les probabilités n’excluaient pas qu’il se retrouve dans le même groupe qu’Isaak. Loin de là. Il laissa ses yeux se perdre un moment de plus dans la pénombre pour regarder la petite silhouette avant de se dire que non, décidément, ce ne pouvait être que son bien-aimé.

Alors, le cœur léger et plein d’insouciance, il bondit hors de sa cachette pour atterrir dans le dos du jeune homme devant lui, l’entourant de ses bras dans une étreinte qui se voulait réconfortante –quoiqu’il se doutait bien qu’il allait quand même se ramasser une ou deux claques dans la gueule pour lui avoir mis la frousse de sa vie. Et même le tintement de leurs deux cibles ne pu lui rappeler qu’ils étaient supposés s’entre-éliminer.

[Isaak / Thanatos : comme vos personnages se ressemblent un minimum physiquement, je me suis arrangée pour que la description que j’en ai fait dans le noir puisse correspondre à l’un ou l’autre de vos personnages. À vous de voir à qui j’ai fait un câlin 8D]

Russell était tombé sur le dos lorsque ce qu’il avait prit pour Isaak –comment avait-il pu! L’autre était plus grand et beaucoup trop musclé pour être son mignon Isaak, maintenant qu’il y repensait- avait décidé de faire volte-face pour l’attaquer avec un bout de bois. Bout de bois qui, à bien y penser, était étrangement recourbé, avec deux pointes arrondies plus dorées que le reste qui, lui, était bien en bois. N’avait-il pas déjà vu quelque chose de semblable? Ce devait être durant l’hiver de 1998 –il faisait froid, c’était au milieu d’un lac avec une baleine géante. Mais où donc avait-il vu cette chose? Une baleine géante, en plein milieu de l’hiver, près de chez lui? Impossible! Et pourtant… Ça lui revenait peu à peu; la baleine s’appelait Jabu-Jabu, et… il avait été aspiré dans sa bouche! C’est ça : hiver 1998, lors de la tempête de neige avant le retour des classes, le troisième temple d’Ocarina of time : c’est là qu’il avait découvert son arme préféré du jeu, le boomerang. Mais qu’est-ce qu’il foutait avec le boomerang de Link? C’était pas juste –lui aussi voulait une arme aussi chouette! Où l’avait-il trouvé? Lui n’était tombé sur aucune arme en se promenant dans le coin; il penserait à le demander lorsque l’autre arrêterait de vouloir le tuer. Quoique, vu comme ça, il était mieux de chercher par lui-même.

Il entendit une vague profanation venir d’un peu plus loin, trop loin pour qu’il ne puisse vraiment savoir d’où exactement : mais il reconnu toutefois instantanément la voix de son bien-aimé, sachant cette fois qu’il ne pouvait y avoir erreur sur l personne. Autre que lui, qui pouvait parler cette langue étrange avec autant de fluidité? Une détonation étouffée parvint à ses oreilles, le faisant sursauter alors qu’une substance rosâtre venait frapper la cible de Thanatos et, du même mouvement, gicler sur ses pantalons. Ils étaient bons pour la poubelle, maintenant! Il sentait qu’une certaine couturière allait lui dire de les porter comme ça quand même, mais non, il ne le ferait pas. Alors qu’il voyait l’équilibre de Thanatos qui semblait vouloir flancher –il allait pas lui tomber dessus quand même?-, il s’accouda solidement sur le sol, histoire de se donner un meilleur élan, et donna un coup de pied plus ou moins précis dans le dos du garçon pour s’assurer que s’il tombait, il allait le faire de l’autre côté, hein. Sa chaussure s’alluma joyeusement, lui indiquant qu’il avait touché quelque chose –amis quoi? Son pied avait-il tout simplement glissé sans qu’il ne puisse vraiment changer la trajectoire de l’autre? Il ne prit même pas la peine de vérifier; il avait déjà roulé sur le côté et s’était relevé dans un bond, se lançant dans la direction d’Isaak. Il n’avait, dans sa course, pas du tout remarqué l’attaque de la petite démone blonde, ni même le mouvement qu’Isaak avait fait pour se débarrasser d’elle; toujours est-il qu’il s’était jeté vers lui et qu’il avait réussi à l’atteindre juste avant que toutes les lumières ne s’éteignent.

Il tira sur le bras d’Isaak, l’enjoignant à s’accroupir, comme il venait lui-même de le faire. Et sans même prendre la peine de vérifier s’il s’était exécuté, il avait approché sa bouche de ce qui aurait logiquement dû être son oreille et s’était mis à parler précipitamment, d’une voix quasi inaudible. Avec ça, c’était presque impossible que l’autre le comprenne –déjà qu’il en avait de la difficulté a l’habitude-, mais c’était sa seule chance à lui, puisqu’il n’avait pas d’arme.

Spoiler:

Il se détacha, après son long monologue, du corps de son copain, rampant un moment pour éviter d’activer la chaussure et de donner à tout le monde la possibilité de voir où Isaak se trouvait. Saufque dès qu’il se releva sur ses pied, il ne put s’empêcher d’ouvrir grand les yeux; c’était pas des petites chaussures de fille qu’il y avait juste devant lui? La poisse; ce devait être Ashleight. Tout ce qu’il lui fallait en ce moment…

-Désolé, fit-il en l’esquivant, l’illuminant un peu plus au passage, mais j’ai à faire avec les adultes. Ciao!

Et ainsi, lâchement, il s’enfuit dans l’obscurité la plus totale, tel un phare dans une nuit sans lune. Et secrètement, il espérait quand même que sa petite piqure avait fait mouche et que la sauvage le suivrait, mais c’était à elle de voir s’il était, oui ou non, une proie digne de ce nom. Et pendant qu’il courait, rien ne l’empêchait de se chercher une arme, non? Il se prit une marche en pleine gueule, toutefois, le faisait s’étaler de tout son long sur un pont de bois. Il grimaçant, se frottant la mâchoire avant de continuer son chemin plus lentement, serrant des dents. C’est que ça faisait mal! Il entendait le bruit sourd de ses pas sous lui, comme si le bois amplifiait le bruit plus que la pierre. Il sautilla un moment sur place pour faire partir la douleur –ce qui, au final, ne fonctionna vraiment pas- et continua sa course ce qui lui semblait être le centre de la salle. Et soudainement, il prit peur : venait-il de rencontrer quelqu’un ayant l’autre chaussure faisant la paire avec la sienne? Cela devait être la cas, car devant lui, il y avait des petites lumières…

Ça, ou en fait, il venait simplement de rencontrer les miroirs en plein milieu de la salle. Mais laissons-le flipper encore quelques secondes avant de le lui dire.

Il était resté un moment face à son propre reflet, incertain de la marcher à suivre; il lui semblait d’ailleurs tout autant étonnant de remarquer la même incertitude chez son opposant. Alors, il prit la peine de l’observer un moment. Il portait quelque chose sur sa tête, de la même manière que lui le faisait –avec un peu moins de style, quand même- et portait les cheveux à sa manière un peu pouilleuse. Il cligna des yeux une, puis deux fois. Est-ce qu’il n’était pas fringué exactement comme lui, aussi? Il avait des pantalons longs un peu trop grands, un t-shirt simple et une veste. Une veste noire avec de l’écriture grise et un symbole sur l’épaule droite. C’était quoi les chances dans cette école où les vêtements étaient faits sur mesure? Quelque chose en lui grondait, comme pour lui indiquer que tout, dans cet étrange personnage, clochait. Ses yeux restèrent posés sur le col du t-shirt. N’était-il pas un peu plus sombre que le sien? Et puis, ça lui revient à l’esprit. Ocarina of Time –non mais, le créateur devait vraiment avoir aimé ce jeu, lui aussi-, troisième temple –celui de l’eau, encore!- lorsque l’on devient le héro du temps, juste avant d’accéder au deuxième grappin. Et tous ceux qui ont vu Scott Pilgrim n’auront même pas besoin de cette référence pour comprendre, comme lui, qu’il avait affaire au Néga Russell.

Autrement, comment expliquer qu’il se tenait de la même manière que lui, comme attendant de voir son premier mouvement pour l’analyser et ensuite le vaincre? Un ennemis qui avait les même capacités que lui –et quoi encore? Sauf qu’avec un peu de chance, en l’éliminant, il arriverait à se trouver une arme. Peut-être même un grappin! Oui, bon, faut pas rêver non plus. Un faible sourire s’afficha sur son visage –au final, ce n’était pas pire qu’un jeu vidéo, ce truc. Sauf qu’il n’avait pas de sauvegarde, et qu’à la fin, il n’allait pas découvrir que son amie d’enfance ne pourrait jamais se marier avec lui –histoire de grandeur et d’âge apparent. Quoiqu’en y pensant bien, peut-être qu’Isaak était un Kokiri? Ça expliquerait la grandeur, en tout cas, et une partie de son caractère. Dans le fond, Mudo, c’était…

Ah, oui. Nega Russell. Ce dernier s’avançait vers lui au même rythme que lui allait vers l’autre, et ça ne pouvait pas le rendre plus nerveux. Il aurait préféré que l’autre fonce, attende –mais pas qu’il copie très exactement le moindre de ses mouvements.

Russell n’avait jamais été prompt à la violence, mais il se doutait bien qu’ici, ce n’était pas vraiment le meilleur endroit pour faire des chichis à ce sujet. Aussi se dit-il qu’il valait mieux balancer son meilleur coup dès le départ –histoire de mettre l’autre K.O. et d’abréger leurs souffrances respectives. Il se craqua les jointures, se décidant à prendre son élan : quand faut y aller, faut y aller. Aussi prit-il un bon appui sur ses pieds avant de s’élancer directement vers son opposant, son autre lui, pour lui asséner un coup de poing direct sur la mâchoire, rien de moins.

La douleur qu’il ressentit à se moment-là lui fit penser, aux premiers abords, que l’autre avait intercepté son coup. C’est en entendant un craquement sonore, toutefois, qu’il se décida à relever la tête –pour apercevoir, dans le clignotement de ses chaussures, une œuvre picassienne des plus réussies. Son reflet lui était renvoyé d’une centaine de manières différentes par les éclats de verres qui, heureusement, s’étaient fendus sans tomber sur le sol. Le propriétaire de ce miroir, peu importe qui il était, n’allait pas être de bonne humeur en voyant qu’une sale gamin un peu fêlé l’avait amoché en pensant se battre contre sonNega. Russell avait oublié le plus important : avant de se battre contre son Nega, il faut avoir réussit tous les autres niveaux… et ce n’était pas encore son cas.

Ouais, bravo mec. T’as l’air du pire des abrutis, t’as mal à la main et t’es maintenant officiellement un vandale. Oh, encore heureux que personne ne m’ait vu, hein… Hey! C’est pas un peu étrange d’ailleurs? Je n’entends personne… Les deux autres auraient logiquement dû me suivre, non? Et puis, tantôt, j’ai entendu l’arme d’Isaak. Est-ce que ça veut dire qu’ils auraient préférés s’en prendre à lui? Ils n’oseraient pas, quand même? J’aurais cru que la furie m’aurait suivie, au moins… Rah, c’est le Karma! Qu’est-ce que je fais, maintenant?

Il se releva en maugréant contre tout ce qu’il pouvait invoquer comme Saint, se disant que les plans, finalement, c’était pas pour lui. Il sentit sa chaussure –la vrai- cogner contre sa hanche, lui donnait une idée. Et c’Est un vrai beau sourire qui s’était étiré sur ses lèvres! Pas un sourire sadique, ni condescendant; juste un tout petit sourire plein d’espoir comme il en avait le secret. Parce que finalement, tout n’était peut-être pas perdu pour lui. Il pourrait se rendre utile. Il changea de chaussure, se disant que servir d’appât, c’était pas si bien que ça en fin de compte; et puis, il pourrait taper sur la semelle pour s’éclairer –et rendre les gens inquiets par rapport au fait qu’il semblait marcher dans le vide, mais c’était un détail- et ne pas se fracasser le crâne sur le sol. Manquerait plus qu’il y ait des pièges, hein! Il se rapprocha du point de départ, surpris d’apercevoir les deux autres se promenant ensemble. Une alliance, eux aussi? Il manquait plus que ça… non, vraiment, son plan original avait l’air foireux, maintenant. Sauf qu’il allait maintenant aviser et se laisser porter par le courant. Et Isaak, il l’espérait, réussirait à ne pas se faire avoir –et à le distinguer de la masse, surtout.

- Hey, dit-moi, tu accepterais qu’on s’échange l’arme, de temps à autre ? Tsé, disons que pendant dix minutes, c’est toi. Après, c’est moi. Des tours de garde, genre.

La conversation lui vint en bribes –c’est qu’ils ne parlaient vraiment pas fort, ces deux-là! Mais heureusement, les voix aigües portent plus loin- et le fit tiquer. Non mais –elle se moquait pas un peu de l’autre, elle? Sauf qu’en même temps, elle avait peut-être un point… Et s’il était assez niais pour la croire? C’était quelque chose qui valait la peine d’être tenté; au pire, il raterait son coup. Et trouverait bien quelque chose d’autre à faire. Il s’approcha d’eux par-derrière, le plus silencieusement possible. Il avait tout son temps, après tout. Enfin –presque. Tant qu’Isaak était en sureté, comme il le lui avait indiqué, tout était correct. Il attrapa Thanatos par le coude, l’attirant solidement vers lui –pour une fois que d’être une grande échalote lui servait à quelque chose! Et lui plaqua sa main dans la bouche. Ouais, bon; il aurait préféré la mettre par-dessus, mais il avait mis les doigts dedans sans faire exprès. Restait plus qu’à espérait que l’autre aurait pas le réflexe de le mordre, non plus… Sauf que du coup, rien ne l’empêchait de faire du bruit et d’alerter l’autre. C’était quoi cette méthode de brute, aussi? Il se sermonna mentalement avant de parler, rapidement et silencieusement, profitant du fait que l’autre ne semblait pas l’avoir remarqué. Est-ce qu’elle faisait semblant? S’aurait bien été son coup de chance.

-Chut! T’inquiètes, gamin, je suis pas là pour te faire quoi que ce soit. Écoutes bien et tiens-toi tranquille deux secondes, tu veux?

Oui, non, c’était peut-être pas la meilleure manière d’amener le sujet de la conversation, mais c’était tout ce à quoi il avait pensé.

-Il faut absolument que tu saches un truc. Tu ne me connais pas, mais en fait, je suis élève ici depuis beaucoup plus longtemps que toi, et je sais comment ça fonctionne ici. Je sais pas c’est quoi ton pouvoir à toi, mais moi, je voyage dans le temps… et j’ai été dans le futur. Et tu sais ce qui est arrivé, dans le futur? Et bah, la gamine, elle a gagné ce jeu, et pire, le créateur, il a décidé d’en faire sa chouchoutte, sauf que elle, elle est complètement tarée, et elle a décidée de le tuer… et depuis, dans l’école, c’est l’enfer sur terre, c’est moi qui te le dit! Parce que sans lui, les pouvoirs, ils font des trucs bizares, c’est moi qui te le dit… mais c’est pas le pire hein! Parce que toi, tu seras même pas là pour y assiter. Non, toi, tu seras déjà mort…

Il prit une grande inspiration; il avait beau parler vite, il savait qu’il prenait beaucoup trop de temps à lui raconter cette histoire. Son futur. Ce que le futur deviendrait peut-être s’il n’agissait pas maintenant. Eh ouais- lui-même finissait pas y croire. Fallait bien, s’il voulait être convainquant…

-Si tu n’échanges pas ton arme avec elle, voilà ce qui va se passer! Fit-il dramatiquement, sa main glissant hors de la bouche de Thanatos. Cette petite, elle va se fâcher; t’as qu’à la voir pour savoir qu’elle est du genre colérique. Sauf que c’est pas tout! Elle va te sauter dessus –et par pour t’embrasser, j’te le dis- et comme elle n’a rien d’autre sous la main, elle va t’attaquer avec son rouleau de… papier toilette. Oui, dit comme ça, ça n’a pas l’air d’être menaçant, mais voilà! Ce n’est pas n’importe quel genre de papier de toilette –c’est du charmin! Ultra, ultra résistant, un charmin du futur qui ne se brise pas et absorbe beaucoup plus que la marque ordinaire, et de loin! Et par loin, j’entends beaucoup plus que les marques auxquelles tu es habitué. Ça absorbe plus que le Shamwow, c’est pour dire… Et là, comme elle en veut à cette bouche qui t’as permis de lui dire non, elle va t’enfoncer son rouleau dans la bouche et tu vas mourir de déshydratation! Mais ce n’est pas tout! Comme elle va découvrir que son arme est méga trop flippante de la mort, elle en voudra plus, de ton arme, et elle va se mettre à attaquer tout le monde… et elle va gagner, pour sûr! Et ensuite, elle va assécher toutes les réserves d’eau potables de la région…

Il le lâcha –ou l’autre s’était-il débattu au point qu’il n’arrivait plus à le retenir?- et le poussa vers sa copine, tentant d’esquisser un mauvais sourire. Juste pour avoir l’air d’un kidnappeur en bonne et due forme aux yeux de la petite démone, rien de plus.

-Mais bon, c’est à toi de voir, mec… grogna-t-il avant d’esquisser un vague «oh non! Ma proie vient de m’échapper! » et de s’enfuir vers le néant. Il était mauvais acteur, mais au moins, on pouvait lui donner le mérite de s’essayer. Et puis, avec cette obscurité, au moins, on ne voyait pas ses traits…

Et cette fois, il n’avait plus qu’à espérer que personne ne le suivait; s’aurait bien été sa chance, de se faire poursuivre au seul moment où n’en avait vraiment pas envie. Qu’on le laisse faire ses petites affaires tranquille! Il prit plus de temps qu’il ne l’avait prévu à retrouver l’endroit où il avait trouvé les miroirs. Il retrouva bien vite celui qu’il avait brisé, enlevant délicatement un des fragments. N’allez pas croire qu’il avait envie d’attaquer quelqu’un avec l’un d’entre eux, non plus. Il était quand même un peu plus malin que ça, même si ça ne paraissait pas toujours. Vaguement. Il entoura ses doigts du tissus des manches de sa veste avant d’exercer une pression sur le miroir adjacent à celui qu’il avait brisé, poussant sur l’arrête. Comme il l’avait crut, les miroirs n’étaient que collés sur la surface du mur. Et sous le miroir, il trouva… un autre miroir! C’était quoi ce délire? Vraiment, vraiment inutile. Sauf que lui, ça allait jouer à son avantage. Ou bien il allait juste se planter. Il souleva le petit miroir qu’il avait détaché, se demandant s’il était mieux de le briser sur le sol pour récupérer les gros fragments plutôt que de transporter le miroir au complet; sauf qu’en même temps, ça ferait beaucoup, beaucoup trop de bruit. Il respirait trop fort, d’ailleurs; il n’arriverait pas à entendre les pas de quelqu’un s’approchant de lui. Il se décida bien vite à quitter le lieu, faisant bien attention à ne pas échapper le miroir en trébuchant. Trébucher, c’était une chose, fracasser le miroir, c’était autrement plus dangereux, pour lui comme pour les autres. Il installa le premier miroir sur le pont, le crantant bien entre deux planches. Il alluma sa chaussure pour voir le résultat, heureux de voir la lumière environnante augmenter. Il avait donc eu raison; la réflexion dans le miroir diffusait mieux la lumière. Il courut –sans plus vraiment se soucier de faire du bruit- vers la centre de la pièce, faisant de même pour six autres miroirs. Un se retrouva juché sur des chaises empilés, un autre accoté à un espèce de baril, le quatrième dans un filet –non mais, qui avait eu l’idée de laisser ça traîner en plein milieu du chemin? C’était dangereux ce truc…-, un autre tout simplement sur le sol et le dernier contre le mur. Parfait. Le meilleur, là-dedans, c’était qu’ils étaient tous tournés approximativement vers le centre de la pièce et que s’il illuminait comme il faut, sa chaussure se verrait clignoter partout dans la pièce. Rien de mieux pour aveugler un ennemis, non? Ou, tout du moins, l’irriter un bon coup. Ça serait déjà ça de prit.

Il détacha le lacet de la chaussure, retournant près du filet pour essayer d’en dégager une des cordes, Il devait bien y en avoir une un peu plus usée qu’il arriverait à détacher, non? Avec l’aide ou non d’un morceau de verre, peu importait. Lorsqu’il obtint un bout de fil d’une longueur convenable –en rattachant les bouts les uns après les autres-, il l’attacha le plus solidement possible après la chaussure, quand même un peu inquiet. Il savait bien que son plan était ouf, mais il avait espoir. C’était bien son point fort, non? Il lança une prière discrète au dieu qui voulut bien l’entendre –ou non- et lança une première fois la chaussure au centre du rayon couvert par les miroirs.

Magie! La place s’illumina, et qui y avait-il au centre? Une jolie petite damoiselle. Avait-elle toujours son rouleau de papier toilette? Il ne prit pas la peine d’attendre jusqu’à ce qu’il puisse le savoir; il ramena sa chaussure jusqu’à lui et se dépêcha de la relancer, espérant qu’elle se trouvait toujours au même endroit. Il sentit la corde se tendre faire un ‘toc’ sonore; avait-il réussit à la toucher, ou est-ce que la corde était arrivée à son maximum? Il tenta de ramener la corde vers lui, réalisant l’horreur bien trop tard; la corde s’était détachée, tout simplement, le soulier étant emporté dans sa trajectoire sans s’arrêter. Et dans un mouvement irréfléchi, il s’était lancé vers le soulier, se retrouvant au plein centre de l’espace illuminé. Avec sa chaussure bien plus près de la sauvageonne que de lui.

Non mais quand même, y’avait vraiment que lui pour se faire prendre dans son propre piège, et pour perdre sa magnifique chaussure. Il ne lui restait plus qu’à se jeter dessus, mais quand même; ça impliquait de mettre la cible sur son dos à découvert. Et l’autre barj, il était où, avec tout ça? Bon, au moins, maintenant, Isaak savait où tirer…

Là, il était mal barré, et pas qu’un peu. Pas étonnant qu’il n’est même pas réussi à touche sa cible un peu plus tôt en lançant le soulier; le boomerang –ce ne pouvait être autre chose, vu le sifflement qu’il entendait dans l’air- était venu percuter la cible sur son ventre et, au passage, avait salement amoché son bras droit. Et il n’avait pas eu le temps de bouger que déjà, la petite fille lui avait relancé son propre soulier en pleine tronche avant de disparaitre dans le néant. Enfin : pleine tronche était subjectif, puisque cela avait déclenché sa cible. Est-ce qu’il était toujours en vie? À en croire par le fait qu’on ne lui avait toujours pas dit qu’il était éliminé, oui. C’était déjà ça de gagné. Il recula et se posa derrière un de ses miroirs, enlevant son bras du pan de sa veste. La vache! Il avait beau ne pas pouvoir voir, juste à sentir, il se doutait bien qu’il venait de récolter la plus belle équimose en ville; elle devait bien être répartit sur la moitié intérieur de son biceps, et ça lui faisait un mal de chien quand il pliait et dépliait le bras. Oh; il avait été habitué à pire auparavant, mais quand ça fait mal, ça fait mal. Il grogna, se disant que finalement, lancer son soulier, c’était une idée vraiment pourrie –la preuve, il n’avait jamais vu ce genre de chose dans un jeu vidéo. Si ça se retrouve pas dans un jeu vidéo, c’est que c’est particulièrement stupide, hein. Il prit tout de même la peine de remettre sa chaussure à la place de l’autre pour dépareiller sa paire, se prenant la tête entre ses mains. Il ne savait pas quoi faire, et ça commençait à paraître; ses idées, une après l’autres, s’effaçaient…

Oh! Et s’il faisait le coup du Nega joueur à Thanatos? Quoique, au final, y’avait vraiment que lui pour croire en des trucs aussi stupides. Il laissa son bras retomber sur son flan, se traitant d’idiot. Non, vraiment, une force supérieure devait agir contre lui : il lançait des vannes stupides aux gens pour qu’ils le poursuivent, et ils préféraient rester là à discuter entre eux; il parlait de la fin du monde –tel que nous le connaissons- et les gens faisaient comme si de rien n’était; il faisait un piège et non seulement il manquait son coup, mais en plus, c’était lui qui se mangeait les armes des autres en pleine gueule; plutôt que d’être étourdis par le piège, les gens s’en sauvaient… sans même essayer de le détruite. Non mais; il avait droit à aussi peu de respect que ça? Il se serait bien rongé les ongles si le fait de ramener son bras vers son visage ne l’avait pas autant incommodé. Et pour attacher son soulier, aussi; clairement qu’il n’allait pas rester attaché très longtemps. Surtout pas s’il recommençait à courir. Sauf qu’il n’avait aucun autre plan! Lui, son truc, c’était de courir jusqu’à s’en débiliter, et de prédire la fin du monde. Et ici, apparemment, ces deux trucs étaient inutiles. Comme quoi c’était faux de dire que les talents naturels servent toujours. Ici, tout ce qui comptait pour les autres, c’était d’avoir la bonne arme, de s’attaquer aux autres et c’est tout. Et la classe, là-dedans? Disparue. Pas que lui en avait, non plus, mais il faisait un minimum d’effort, et de voir tout ça réduit à néant…

-Mes amis j’vais vous racconter/ une histoire de mensonge…

Son écho lui répondit. Faiblement, mais tout de même. Et du coup, ça lui redonna un peu de courage. Parce que ouais –lorsque le monde entier semble s’être tourné contre vous, il vous reste les chansons à répondre! Et tant pis si ça attirait les autres et qu’il se faisait défoncer la gueule. Ou plutôt, non : comme les autres ne trouvaient pas qu’il était une cible digne de ce nom, ça ne valait même pas la peine d’espérer. Il resterait tout seul, point barre. Ah! Tout seul à chanter avec son écho. C’était un peu flippant, quand même. Mais peut-être que les cibles acceptaient les dégâts psychologiques? Restait qu’à espérer qu’il y en aurait au moins un pour trouver ça étrange. Non, non; valait mieux ne pas rêver. Et c’est dans cette attitude négative que Russell gambada joyeusement d’un miroir à l’autre, les déposant sur le sol pour qu’ils arrêtent de refléter son image.

-S’il y a un mot de vérité, je voudrais qu’on m’y pende~

Et si les autres finissaient par tomber dessus par inadvertance et se gagnaient sept ans de malheur, ce ne serait pas son problème. Ils avaient qu’à s’occuper du piège eux-mêmes. Ah! Il repensa au miroir contenant Nega Russell; c’était probablement à cause de ça qu’il s’enfilait autant de plans foireux. Ouais, ça pouvait juste être pour ça. Il continua son chemin, les lumières clignotantes que lui permettait de se fondre un minimum dans le paysage s’éteignant les unes après les autres. Il recommençait à devenir une cible vivante, et peu à peu, son trouble lui revenait. Parce que le jeu n’était pas finit, après tout. Et en allant vers un des derniers miroirs, il aperçut Thanatos. Le charmant jeune homme avait l’air un peu déboussolé, ou ‘était lui qui se mettait les doigts dans le nez? Étant donné qu’il pouvait voir le morceaux de papier de toilette qui s’était prit entre sa cible et son chandail, le résultat lui semblait évident : il avait refusé de donner son arme à la fillette, et elle s’était vengée avec son rouleau. Ah! Comme quoi, il ne faut jamais sous-estimer les talents de Russell; il finissait toujours par avoir raison, d’une manière ou d’une autre. Le papier de toilette, c’était une arme qui torchait grave… jeu de mots voulut.

-Laissez-moi aller-aller, laissez-moi aller jouer- finit-il avant de laisser le dernier miroir tomber sur le sol.

Il entendit comme un craquement à ses pieds; celui-là, il l’avait posé un peu moins délicatement que les autres. Oups, pensa-t-il avant de saluer Thanatos. Il n’avait pas vraiment peur. Ça ne servait à rien de courir contre lui; il avait une arme qui avait l’air de fonctionner bien mieux lorsque ses ennemis étaient au loin. Et puis, ce dernier devait toujours attendre que son arme revienne, et il se doutait bien qu’en ce moment, il devait plus en avoir après cette petite peste qu’après lui. Ou pas. Peut-être que c’était son but depuis le début? Allez savoir; Russell s’en moquait. Il tapa du pied pour réilluminer l’autre, ne sachant, au final, s’il devait dire quelque chose ou pas. Il s’approcha de lui, sans même prendre la peine de le faire rapidement. Si l’autre voulait s’enfuir, qu’il le fasse. De toute manière, il devait bien se douter que d‘eux deux, c’était probablement lui le plus rapide. Il déposa sa main sur son épaule, hochant négativement de la tête malgré le fait que l’autre ne pouvait pas le voir. Peut-être percevrait-il le mouvement de ses cheveux qui déplaçaient l’air, s’il y portait attention.

-En tout cas, tu pourras pas dire que j’ai pas essayé de te prévenir, hein…

Et il laissa sa main gauche glisser de sur l’épaule, lui tournant le dos avant de continuer son chemin. Il n’avait aucune idée de ce qu’il devrait faire. Attaquer l’autre –qui, d’ailleurs, devait bien se marrer en ce moment alors qu’il le visait soigneusement avec son arme- derrière lui, essayer de retrouver Isaak ou bien partir à la recherche de la petite fille? S’il avait bien compté, ils n’étaient pas plus de quatre dans cette pièce, et s’il y avait quelqu’un d’autre, elle était beaucoup trop discrète à son goût. Quoiqu’avec son histoire de Nega, il se serait attendu à tout. Oh! Sauf que tout ça, c’était dans sa tête. Il sentit une légère résistance alors qu’il marchait, mais continua d’avancer. Et encore cette résistance lorsqu’il essayait d’avancer le pied de la chaussure. Qu’est-ce qui se passait? Il entendait un tic faible lorsqu’il avançait. Avait-on jeté un sort diabolique sur sa chaussure, lui faisant prendre vie à cet instant même?

Ce n’est que lorsqu’il se retrouva face contre terre qu’il crût vraiment à sa théorie de complot. Alors non seulement on ne lui donnait pas d’arme, mais en plus, sa chaussure se retournait contre lui? Il lui sembla sentir ses lacets détachés –par quel hasard?- se tortiller autour de sa jambe. Et plutôt que de voir là un effet de la gravité, il crut bel et bien que sa chaussure était possédée –et voulait l’éliminer. Est-ce que c’était parce qu’il avait osé la mettre, ou bien se vengeait-elle du fait qu’il l’ait lancée au bout de ses bras avec une corde pas très solide? Peu lui importait. Il se retourna sur le dos, comptant bien sur le fait que le soulier était maintenant plus lousse sur son pied pour donner un coup de pied dans le vide. Et au même instant, la chaussure, pour la deuxième fois, continua sa trajectoire plutôt que de rester en place sur son socle. Faisant des belles pirouettes dans les airs avant de retomber dans un ploc sonore quelque part dans l’obscurité.

Et du coup, il espérait bien qu’elle était tombée sur Thanatos et qu’elle allait lui dévorer son âme, hein.